Image d'illustration © Reuters

Khansaa, la police féminine des moeurs de l’EI

Le Vif

Trois femmes de la brigade féminine des moeurs ont fui le califat. Elles racontent ce qu’elles ont vu et du faire à Raqqa, la très fermée « capitale » de L’EI. Des témoignages qui font froid dans le dos.

Dua, Aws et Asma (nom d’emprunt) faisaient toutes trois partie de la brigade féminine Khansaa, une espèce de police des moeurs de L’EI. Elles devaient contrôler les moeurs et les tenues des habitantes de Raqqa, la capitale du califat auto proclamé de l’EI. Maquillage « provocant », voile trop serré, robe trop moulante, des chaussures qui n’étaient pas noires ou encore marchant seule dans la rue : tout ce qui n’était pas conforme aux lois de l’EI donnait lieu à des amendes dans un premier temps et des coups de fouet ensuite. Parmi la brigade, on retrouve aussi de nombreuses femmes étrangères, racontent-elles. Mais les trois femmes ne savent que peu d’elles puisque les discussions sont interdites pour éviter ragot et jalousie.

Aujourd’hui la ville est au coeur des attaques contre l’État islamique, mais fut un temps ou la vie dans cette ville était tout autre. Les trois femmes racontent comment la présence des djihadistes a tout changé. Ces filles de la classe moyenne, universitaires pour certaines, aimaient voir des films de Hollywood ou Bollywood et sortir la nuit pour profiter de la fraîcheur et de la présence de leurs amis. L’une d’elles montre même une photo où on la voit nager avec ses amis dans les eaux d’un lac en maillot de bain.

L’organisation

Toutes trois faisaient partie d’une génération de Syriennes qui avait acquis plus d’indépendance qu’aucune génération avant elle. Les femmes s’habillaient en tenue sportive, montraient leur genou et leur coude en été et se maquillaient. La plupart pouvaient même choisir leur époux.

Mais tout change, début 2014, lorsque l’EI prend possession de Raqqa et fait de la ville son centre opérationnel. Le califat impose son autorité de façon violente et ceux qui tentent de résister ou n’ont pas les bonnes relations sont emprisonnés, torturés ou tués.

Dans la ville, l’État islamique va rapidement être baptisé « l’organisation » et il est très vite évident que, pour survivre, il faut s’attirer les bonnes grâces du Groupe État islamique. Avec l’afflux de combattants étrangers, les Syriens sont en effet devenus, au mieux, des citoyens de seconde zone.

Pour garder un minimum de liberté, les trois femmes rejoignent donc l’organisation de leur propre initiative. Aucune n’adhérait à l’idéologie extrémiste et encore aujourd’hui elles ont du mal à expliquer comment elles ont pu changer les femmes modernes qu’elles étaient en gardiennes de la morale islamiste. Pourtant, elles iront même, pour deux d’entre elles, jusqu’à se marier avec des combattants. Plusieurs fois.

De très brefs mariages, puisque leurs maris mourront en se faisant exploser lors d’attaques suicides. Malgré un deuil minimum de trois mois préconisé par le Coran, l’organisation les pousse à se remarier rapidement avec d’autres inconnus.

Elles craignent de ne plus être que des esclaves ponctuelles dédiées aux combattants étrangers qui ne servent que la violence et un dieu qu’elles ne reconnaissent pas. Condamnées à être perpétuellement des veuves d’hommes commettant des attentats suicides. Pour elles, il n’y a plus d’autres options que la fuite. Leur témoignage édifiant est à lire sur le New York Times.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire