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Irlande, Portugal, Espagne: La colère monte contre le système en place

Le Vif

Le Portugal, l’Espagne, et maintenant l’Irlande. En quelques mois, les systèmes politiques traditionnels de trois pays de la zone euro ont volé en éclats, leurs électeurs ayant décidé de voter très largement non à la cure d’austérité qui leur est imposée.

« Il y a un schéma commun (à ces pays), c’est que le système établi de partis est menacé, qu’il est en train de se fragmenter », explique à l’AFP David Farrell, professeur de sciences politique à l’University College de Dublin.

En Irlande, le Fine Gael (centre droit) et le Parti travailliste, au pouvoir ensemble depuis 2011, ont subi un sévère revers aux législatives de vendredi. Mais ce n’est pas le Fianna Fail, l’autre grand parti du pays, qui tire son épingle du jeu.

Les Irlandais, pourtant assez conservateurs en matière électorale, ont décidé de voter plus nombreux pour la gauche radicale (Sinn Fein, Alliance contre l’austérité et Verts) et les candidats indépendants, rendant compliquée la constitution d’un gouvernement stable, ce qui pourrait déboucher sur de nouvelles élections.

En Espagne, le vote du 20 décembre a abouti à un parlement rénové avec 200 députés nouveaux sur 350 et à l’impossibilité jusqu’ici de former un gouvernement, avec de grands partis qui ont dû faire de la place à deux nouveaux: Podemos (gauche radicale) et Ciudadanos (centre libéral).

Chez son voisin portugais, le Bloc de gauche, parti proche du Syriza grec né en 1999 de mouvements marxistes et trotskistes, a fait une percée historique aux législatives d’octobre avec 10,2% des voix.

Fort de ce résultat, il a proposé au Parti socialiste de former une alliance permettant d’évincer la droite, une coalition toutefois instable car elle n’a pas la majorité absolue.

« C’était une surprise. Le Bloc de gauche a réussi à capter les voix de l’électorat jeune de gauche et de droite, mécontent de la politique d’austérité menée depuis quatre ans », a déclaré à l’AFP le politologue José Antonio Passos Palmeira.

Colère contre le système en place

Dans ces trois pays, qui ont subi de plein fouet la crise économique des dernières années, le point commun est en effet le ras-le-bol exprimé contre les coupes budgétaires, souvent imposées par Bruxelles et la Banque centrale européenne (BCE) en échange d’une aide financière.

Les gouvernements en place ont eu beau se prévaloir d’une croissance qui redémarre – à vive allure même en Irlande, avec +7% en 2015 – et menacer du chaos si les électeurs se détournaient d’eux, ces arguments n’ont pas porté. En premier lieu parce que les populations de ces pays n’ont pas vu les effets de cette croissance dans leur vie quotidienne.

Au contraire, elles continuent de subir durement la précarisation de l’emploi, la baisse des salaires, la hausse des impôts et les coupes dans les dépenses sociales et publiques.

« Il y a une forte colère contre le système politique en place et la volonté de punir les partis traditionnels pour les politiques économiques menées », souligne David Farrell.

Et le désir d’aller voir ailleurs, même si cela signifie une dispersion des voix synonyme de difficulté à constituer un gouvernement et d’une certaine instabilité politique. Et déjà, l’agence de notation Fitch a mis en garde contre les « risques » économiques que le résultat irlandais pourraient entraîner.

Pour Jean-Michel de Waele, politologue à l’Université libre de Bruxelles (ULB), en Espagne comme au Portugal ou en Irlande, « il y a moyen de faire des coalitions. Mais ce n’est pas du tout dans la culture politique et dans l’histoire nationale ».

« Je pense qu’on va vers une instabilité politique profonde. On le voit bien en Espagne: peut-être que l’Espagne devra revoter, on verra combien de temps le gouvernement portugais peut tenir « , dit-il à l’AFP.

Cependant, pour Peter Emerson, directeur de l’institut nord-irlandais The de Borda, cet éclatement des voix n’est peut-être pas une mauvaise chose.

« On observe une obsession incroyable pour les gouvernements majoritaires », alors que la montée des petits partis tend à prouver que « l’idée d’une démocratie majoritaire devient inefficace », dit-il à l’AFP. « Il y a un besoin d’une démocratie plus sophistiquée, plus pluraliste. »

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