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Immigration: la politique du chacun pour soi, malgré le drame de Lampedusa

Le Vif

Les pays du nord de l’UE, confrontés à une montée du populisme chez eux, ont toujours refusé de partager la charge migratoire des pays du sud, comme l’Italie et la Grèce, et la tragédie de Lampedusa ne devrait pas changer la donne malgré les appels à davantage de solidarité.

Depuis des années, la Commission européenne souhaite, en vain, que les égoïsmes nationaux qui caractérisent les politiques migratoires cèdent la place à une véritable approche européenne. « On a besoin du soutien des Etats-membres de l’UE », mais « les politiques migratoires, fragmentées, sont entre les mains des Etats-membres et considérées à l’aune de préoccupations intérieures », a déploré Michele Cercone, le porte-parole de la commissaire en charge de ce dossier, Cecilia Malmström.

En première ligne, la Grèce met régulièrement en cause le « fardeau » qui pèse sur les pays du sud de l’Europe en raison de l’absence de mécanisme de répartition des demandeurs d’asile. « La Grèce a le droit de contrôler ses frontières et ne peut pas être le passage obligé de tous les migrants illégaux qui veulent entrer dans l’espace européen, c’est inacceptable », a déclaré dans une interview à CNN jeudi le ministre de l’Ordre public Nikos Dendias qui, récemment, avait déjà affirmé: « l’Europe ne nous aide pas assez ». Il suggérait une répartition basée sur la surface des pays, leur PIB et leur population. Mais, alors que les partis extrémistes ont le vent en poupe dans de nombreux pays européens, les Etats ne sont pas prêts à accueillir plus d’immigrés sur leur sol.

Ainsi, au Royaume-Uni, inquiets de la poussée à leurs dépens du parti nationaliste Ukip, populiste et champion de l’euroscepticisme, les conservateurs du Premier ministre britannique David Cameron ont sérieusement durci le ton sur l’immigration.

Aux Pays-Bas, le leader du Parti pour la liberté (extrême droite), Geert Wilders, vient de s’insurger contre la décision du gouvernement d’accueillir 250 réfugiés syriens, estimant qu’ils devraient être accueillis par les « riches pays du Golfe » et non par les Pays-Bas. « Tout remise en cause de la règle qui prévaut depuis 2003 et qui stipule que les candidats à l’asile dans l’Union européenne n’ont le droit de déposer de demande que dans le pays par lequel ils sont entrés dans l’UE est exclue », a rappelé vendredi à Bruxelles un porte-parole de la présidence lituanienne de l’UE.

Tout au plus, l’UE s’est dotée d’une série d’outils communs parmi lesquels l’Agence Frontex de surveillance des frontières européennes.

Crée en 2004, Frontex, dont le nom exact est « Agence européenne pour la gestion de la coopération aux frontières extérieures », est censée analyser les routes migratoires et en tirer les conclusions opérationnelles en organisant des opérations aux frontières sur terre et sur mer.

L’agence dispose d’un budget, souvent jugé dérisoire, de 85 millions d’euros. « Au cours des deux dernières années, Frontex a sauvé 16.000 vies en Méditerranée », a souligné M. Cercone.

L’Italie, où ont afflué 25.000 migrants depuis le début de l’année, doute pourtant de l’efficacité de Frontex. Selon le sénateur de droite italien Maurizio Gasparri, Frontex est « une structure inexistante, inopérante ». « L’Europe ne dépense pas d’argent pour l’accueil (des réfugiés) et ne possède même pas en mer de bateau pour s’occuper de ceux qui s’aventurent en Méditerranée », a-t-il dit.

L’Union européenne s’apprête à lancer un nouveau système prévoyant notamment de mieux « pister, identifier et secourir » les navires chargés de migrants en danger. Ce nouvel outil, baptisé Eurosur, doit être discuté et voté par le Parlement européen la semaine prochaine à Strasbourg. Il entrera en vigueur le 2 décembre. Drones, satellites et caméras de haute résolution font partie de la panoplie qui servirait à détecter les bateaux de migrants en mer.

Pas encore en place, ce nouvel outil fondé sur l’échange d’informations entre agences nationales chargées de surveiller les frontières maritimes, ne fait pas l’unanimité. Eurosur constitue « la plus mauvaise réponse puisque cela ne fera que poser quelques verrous supplémentaires sans pour autant apporter de réponse au vrai problème qui est: « Pourquoi est-ce que des migrants ou des réfugiés ont besoin de venir en Europe » », a estimé Claire Rodier, vice-présidente du réseau Migreurop, spécialisé dans les questions migratoires.

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