Christian Makarian

Hillary Clinton peut-elle tituber ?

Ce n’est bien sûr qu’une image, mais sa charge symbolique est très forte : le 11 septembre, jour de recueillement national où l’Amérique doit montrer sa force à la face du monde, voir soudain Hillary Clinton tituber laisse l’empreinte d’une candidate fatiguée.

On peut trouver cela injuste pour elle, car son malaise était apparemment des plus banals, mais la bataille présidentielle est sans pitié. Flageoler, ne serait-ce qu’un instant, dans une course aussi âpre souligne cruellement les limites d’un candidat et offre au concurrent un argument instantané. D’autant plus qu’il ne s’agit pas d’un incident fortuit, mais d’une séquence complète.

Revient l’idée que Mme Clinton est décidément u0022la femme qui ne dit pas la véritéu0022

Deux jours avant ce malaise, la candidate démocrate a commis la pire de ses maladresses. En s’exprimant devant un auditoire totalement acquis, le  » Gala LGBT pour Hillary  » (LGBT : lesbiennes, gays, bi et trans), elle s’est laissée aller à une déclaration des plus malvenues :  » Pour généraliser, en gros, vous pouvez placer la moitié des partisans de Trump dans ce que j’appelle le panier des lamentables. Les racistes, sexistes, homophobes, xénophobes, islamophobes – à vous de choisir. Et malheureusement, il y a des gens comme ça. Et il les a soulevés.  » Pour la première fois, elle a ainsi ciblé (et criblé) les électeurs républicains plutôt que leur candidat. Une lourde erreur, commise de surcroît durant une semaine où ses discours ont été interrompus par des quintes de toux suspectes. D’où une sale rumeur de mauvaise santé, déjà propagée à moult reprises par Trump et magnifiquement amplifiée par son équipe de communication, au sommet de l’incompétence. Le 11 septembre, les brillants communicants du camp démocrate ont mis sept heures à donner une explication au malaise de leur championne, ils ont ensuite parlé de  » coup de chaleur « , avant que l’on ne diagnostique enfin une pneumonie.

Il n’en fallait pas davantage pour laisser revenir l’idée que Hillary Clinton est décidément  » la femme qui ne dit pas la vérité « . C’est bien la conclusion la plus gênante dans cette cascade de déconvenues. Jusqu’ici, ce qui était globalement reproché à Clinton tenait à sa froideur, à son ambition implacable, bref, à un manque de sensibilité qui la tenait éloignée des  » vrais Américains « , ceux qui peinent à joindre les deux bouts. La voici maintenant convoquée par l’opinion pour répondre de sa simple capacité physique, ce qui est à maints égards plus embarrassant. Plus grave, elle est sommée de renoncer à son manque chronique de transparence, la pire des fautes en Amérique. Car le sujet n’est pas seulement médical ; il est bel et bien politique. Ces accès de faiblesse, que l’équipe de campagne tente de maquiller, rejoignent chez Hillary Clinton une étrange manie de s’affranchir de la réalité factuelle, de n’y venir que contrainte et forcée. Comme on l’a vu précédemment en découvrant que Mme Clinton utilisait sa messagerie privée plutôt que celle du Département d’Etat pour traiter d’affaires ultrasensibles – un non-respect flagrant des règles de sécurité de l’administration américaine.

En politique, il arrive qu’une simple perte d’équilibre amorce une déstabilisation. Peut-elle exercer la fonction suprême, elle qui est susceptible de flancher à tout moment ? Pour éviter cette question brutale, martelée à l’envi par Trump, la candidate qui a choisi comme slogan  » Stronger together  » ( » Plus forts ensemble « ) doit changer rien moins que son propre tempérament, ravaler son mépris et renoncer à la liberté qu’elle s’accorde à l’égard de la vérité. Ce n’est qu’à ce prix qu’elle pourra triompher de son redoutable adversaire.

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