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Gaza: cinq choses à savoir sur le Hamas

Six jours après le lancement de l’opération militaire israélienne contre la bande de Gaza dirigée de fait par le Hamas, LeVif.be fait le point sur le mouvement islamiste.

Israël et Gaza sont confrontés à une nouvelle spirale de violence après le raid qui a coûté la vie à un responsable militaire du Hamas, mercredi. Tel Aviv veut faire payer au Hamas, qui contrôle la Bande de Gaza, les tirs de roquettes qui frappent régulièrement le sud du territoire israélien. Explications.

Les relations avec Israël, empreintes d’ambigüité

Les relations entre l’État d’Israël et le Hamas ont toujours été ambigües. Avant même sa naissance, Tel Aviv apporte son soutien au groupe qui donnera plus tard naissance au Hamas, le Bloc islamique du cheikh Ahmed Yassine, dans le but d’affaiblir les mouvements de gauche au sein de l’OLP. Depuis lors, les deux adversaires ont toujours maintenu des canaux de contact, notamment en 2005. Ceux-ci ont permis de mettre un terme aux attentats pratiqués par la branche militaire du Hamas, les Brigades Ezzedine al-Qassam. Malgré une charte truffée de fantasmes antisémites qui prédit la disparition de l’État juif, le Hamas a de son côté admis de fait l’existence de l’État d’Israël, en signant, dès 2006, un document d' »entente nationale » reconnaissant implicitement l’existence d’Israël.

Les relations entre les deux ennemis étaient maintenues, y compris avec Ahmad Jabari, le chef de la branche militaire de Hamas, assassiné la semaine dernière, comme le souligne le journaliste israélien Aluf Ben dans Haaretz: « Ahmed Jabari était un sous-traitant, en charge du maintien de la sécurité d’Israël dans la bande de Gaza. » Depuis un peu plus de 5 ans, ajoute-t-il,  » Israël a exigé du Hamas qu’il observe la trêve dans le sud et la fasse appliquer par les nombreuses organisations armées dans la bande de Gaza. L’homme à qui avait été confiée cette tâche était Ahmed Jabari. »

Les relations avec le Fatah au plus mal L’animosité entre le Fatah de Mahmoud Abbas et le Hamas ne date pas d’hier. La montée en puissance politique du Hamas connaît son apogée quand le mouvement obtient la majorité absolue aux législatives de janvier 2006. Cette victoire s’explique par l’usure d’un Fatah miné par l’échec des accords de paix d’Oslo. L’intensification de la colonisation en Cisjordanie et l’affairisme du parti de l’ancien raïs Yasser Arafat ne feront qu’amplifier le discrédit du mouvement. La tension entre les deux mouvements s’est aggravée après le coup de force du Hamas qui a chassé le Fatah de Gaza en juin 2007. Depuis, de nombreuses tentatives de médiations sont restées sans effet. Le Fatah est considérablement affaibli, comme l’atteste le très faible taux de participation aux dernières législatives de Cisjordanie en octobre, et l’élection de dissidents du parti de Mahmoud Abbas dans plusieurs villes. Autre preuve de cette perte d’influence, y compris en Cisjordanie, la marée de drapeaux verts (la couleur du Hamas) ce week-end dans les manifestations de protestation contre l’opération militaire israélienne comme le souligne la correspondante du Haaretz à Ramallah, Amira Hass. Quant à l’initiative visant à obtenir à la fin de ce mois le statut d’ « État non membre » de l’ONU, elle ne devrait pas changer la donne, estime le chercheur Jean-François Legrain, spécialiste de la question palestinienne, qui rappelle que pour le Hamas, cette initiative est dénuée de portée.

Les relations avec les parrains régionaux, en pleine mutation Le printemps arabe a contribué à modifier la diplomatie du Hamas, et à le renforcer. « Les victoires des Frères musulmans en Egypte et d’Ennahda en Tunisie, ainsi que l’implication grandissante du Qatar et de la Turquie sous la houlette de l’AKP dans les affaires arabes ont été l’occasion pour le Hamas de revoir sa diplomatie », explique Jean-François Legrain. Cette réorientation a été l’occasion d’un retentissant succès diplomatique pour le mouvement islamiste: la visite de l’émir du Qatar, cheikh Hamad ben Khalifa al-Thani, au mois d’octobre, la première d’un chef d’État dans le territoire palestinien depuis que le mouvement islamiste en a pris le contrôle en 2007. Celle-ci devrait être suivie de la visite du Premier ministre turc, Recep Tayyip Erdogan.

Le Hamas a dans le même temps pris ses distances avec ses parrains traditionnels, à commencer par l’Iran et la Syrie. Laquelle a fermé les bureaux du Hamas à Damas après la prise de distance puis le départ des cadres du mouvement. « Le choix de ces protecteurs avait été motivé par le pragmatisme, précise Jean-François Legrain: la Syrie avait violemment réprimé ses Frères musulmans et l’Iran chiite n’était pas l’allié le plus évident pour ce mouvement sunnite; Face au Fatah, que le Hamas considère comme un jouet aux mains des Etats-Unis et d’Israël, ces deux pays constituaient des alliés de circonstances en tant que pôle de résistance aux politiques américaines ». C’est aussi « le pragmatisme qui explique le rapprochement actuel avec le Qatar », complète le chercheur.

Le Hamas face à l’usure du pouvoir

« Alors qu’il jouit d’un pouvoir absolu sur la bande de Gaza depuis son coup de force, en 2007, le Hamas n’a pas réussi à faire avancer la question palestinienne et il n’est pas parvenu à améliorer les conditions de vie des 1,7 million d’habitants de Gaza », explique Jean-Pierre Filiu, auteur d’une Histoire de Gaza. Le mouvement islamiste est par ailleurs soumis à la surenchère de groupes plus radicaux, notamment le Djihad islamique et le Front populaire de libération de la Palestine (FPLP, gauche nationaliste) qui sont à l’origine de la poursuite des tirs de roquette vers le sud d’Israël et de l’attaque d’une patrouille israélienne, à l’origine de la nouvelle flambée de violence le 10 novembre. Le Hamas, selon de nombreux observateurs israéliens, s’est régulièrement efforcé de brider l’activisme de ces groupuscules.
Depuis l’hiver dernier, le mouvement islamique est « en proie à une crise organisationnelle », analyse Jean-François Legrain. «  »Il reste néanmoins capable de consensus. La crise de début de l’année a été révélée au grand jour à l’occasion de l’élection du nouveau président du Comité politique, et du débat sur la politique menée par son détenteur actuel, Khaled Meshaal, qui ne souhaitait pas se représenter. » Cette crise a été « accentuée par le renversement d’alliances avec les parrains régionaux » évoqué plus haut, ajoute le chercheur, qui constate que « la visite de l’émir du Qatar en octobre et ses conséquences ont affaibli le camp hostile à ce changement » au sein du mouvement.

Le Hamas sortira-t-il affaibli ou renforcé de cette séquence militaire?

Les autorités israéliennes proclament qu’elles veulent, grâce à l’opération « Pilier de défense », faire cesser les tirs de roquette en provenance de Gaza, et adresser « un message clair » au Hamas, selon les termes du Premier ministre Benyamin Netanyahu. Pourtant, relève la presse israélienne, les précédentes opérations de ce type, notamment « Plomb durci » en janvier 2009, n’ont pas affaibli le Hamas mais l’ont au contraire renforcé. Il dispose d’ailleurs aujourd’hui d’un armement supérieur à celui dont il disposait à l’époque, et d’une assise politique plus large. Certains voient dès lors une autre grille de lecture possible à la réaction disproportionnée de l’armée israélienne aux tirs de roquettes: « Le maintien au pouvoir du Hamas, ennemi auto-proclamé d’Israël, justifie le refus d’Israël de faire des concessions » en vue de négociations, explique Jonathan Rosen dans le quotidien Jerusalem Post. Pour Jean-François Legrain, l’analyse qu’il faisait en 2009 de l’opération Plomb durci reste valable: « la force réelle ou alléguée du Hamas est utilisée par le gouvernement israélien pour justifier auprès de la communauté internationale une politique visant à détruire toute institutionnalisation du nationalisme palestinien ».

Par Catherine Gouëset , L’Express

Zèle

Le Mouvement de la résistance islamique (dont l’acronyme arabe – Hamas-, signifie « zèle »), a été créé par les Frères musulmans en décembre 1987, au moment du déclenchement de la première Intifada. Le Hamas s’est développé d’abord à Gaza, puis a étendu son activité à la Cisjordanie. Le mouvement cherche surtout, dans un premier temps, à réislamiser la société palestinienne, après les années d’essor du nationalisme arabe laïc. Il développe un intense réseau d’institutions sociales et caritatives qui assoit sa popularité. Rejetant les accords d’Oslo en 1993, il s’engage dans une campagne d’attentats suicides qui ne cesseront qu’en 2005.

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