© Image Globe

Fuites au Vatican : ce qu’il faut retenir du « Vatileaks »

Des documents secrets fuitent depuis janvier au Vatican. Le Saint-Siège a confirmé ce samedi l’arrestation du majorome du pape, soupçonné d’être une des taupes.

Ce week-end est placé sous le signe des célébrations de la Pentecôte. Mais au Vatican, les festivités risquent d’être ternies par un énième rebondissement dans l’affaire des fuites répétées de documents officiels portant le sceau du Saint-Siège. Au plus petit Etat du monde, la tension est à son comble.

Des dossiers confidentiels rendus public

Depuis le mois de janvier, des dossiers confidentiels du Vatican font la Une des journaux italiens. Au menu: corruption dans la gestion du Vatican, règlements antiblanchiment de sa banque, complot contre le pape, tensions entre cardinaux… En allusion à « Wikileaks », l’affaire est baptisée « Vatileaks ».

Ce qui inquiète le plus la Curie romaine? Que plusieurs personnes bien placées dans l’appareil aient décidé de trahir pour livrer ces documents secrets.

Afin de trouver la « taupe », le pape Benoît XVI a créé, il y a à peine un mois, une commission d’enquête sur l’origine de ces fuites. Si l’on en croit le Saint-Siège, cette stratégie a été payante: un homme a été arrêté vendredi par la gendarmerie vaticane en possession illégale de documents confidentiels. D’après le Vatican – qui officialise l’information le lendemain de l’arrestation – il s’agit du majordome du pape, Paolo Gabriele.

Le majordome arrêté

Paolo Gabriele, surnommé « Paoletto », fait partie de la garde rapprochée de Benoît XVI depuis 2006. Il vit avec sa femme et ses deux enfants dans un immeuble à l’intérieur du Vatican. Parmi ses fonctions: aider le pape à revêtir ses habits pontificaux, participer à la messe dans sa chapelle privée, le suivre dans ses audiences publiques et privées, servir le déjeuner, se mettre à table avec le pape et préparer le soir sa chambre. Sa silhouette est connue. Dans la papamobile, il est habituellement assis devant le pape, à côté du chauffeur.

Selon le quotidien Il Foglio , Gabriele pourrait être victime de la volonté des enquêteurs de trouver un coupable rapidement et ne serait pas forcément le vrai coupable ou l’unique coupable.

Le limogeage du banquier du pape

Jeudi, la veille de cette arrestation, le banquier du pape, Ettore Gotti Tedeschi, était limogé à la suite d’un spectaculaire vote de défiance du Conseil d’administration de l’Institut pour les oeuvres de religion (IOR). Comment expliquer le limogeage de cet « expert de la finance », dont la nomination en 2009 à la tête de l’IOR avait laissé espérer l’assainissement des finances du Vatican ?
Officiellement, il lui est reproché de « n’avoir pas su remplir certaines fonctions de première importance » en dépit d’avertissements répétés alors que la situation se dégradait. Officieusement, il aurait pu faire connaître lui-même certains documents de travail à l’extérieur du Saint-Siège.

Un livre reproduit de nombreux documents confidentiels
Malgré ces efforts de transparence, l’IOR demeure l’objet de critiques de la part des médias italiens, et notamment du journaliste Gianluigi Nuzzi, auteur du livre à succès Vaticano SPA. Son deuxième opus, Sua Santita, paru samedi en Italie, reproduit des dizaines de fax et de lettres ultra-secrètes dont le pape est le destinataire ou a eu connaissance.

Ces documents illustrent de nombreux débats internes, par exemple sur les relations avec les autorités italiennes (pressions vaticanes sur les sujets de société, questions fiscales, finances des instituts catholiques), les scandales sexuels chez les Légionnaires du Christ ou encore les négociations du Vatican avec les intégristes.

Selon Gianluiggi Nuzzi, les anonymes qui lui ont fourni ces dossiers portant sur les années 2009-2012 souffrent « d’avoir enfreint leur obligation de secret ». Et d’assurer qu’ils étaient désintéressés et n’avaient rien reçu en échange de ces révélations.

La théorie du complot

Ses sources se disent, d’après le journaliste, animées par le seul désir de rendre plus transparent le Vatican et de servir le pape. Une thèse vivement contestée par certaines voix du Saint-Siège qui crient au complot. « Ils veulent éliminer Bertone », lâche le théologien de gauche Vito Mancuso en faisant référence à Tarcisio Bertone, numéro deux du Vatican. Ce secrétaire d’Etat est jugé honnête mais sa gestion, elle, est perçue comme maladroite.

Cette thèse d’un complot contre la papauté circule depuis le début de l’affaire « Vatileaks ». Plusieurs sources confirment à l’Agence France-Presse que Tarcisio Bertone a la confiance du Benoît XVI mais de solides inimitiés dans l’appareil. Une « vieille garde » de cardinaux proches de Jean-Paul II, regrettant une époque moins soucieuse de transparence, pourrait ainsi vouloir faire le ménage.

Julie Saulnier, L’Express.fr

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire