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France : la mystérieuse fusillade du lac d’Annecy

Deux soeurs ont survécu à la fusillade qui a fait quatre morts mercredi, près du lac d’Annecy. Leurs parents et leur grand-mère, a priori des Britanniques en vacances dans la région, ainsi qu’un cycliste habitant une commune voisine, ont été tués. Voici ce que l’on sait de la tuerie.

« Une dramatique affaire. » C’est avec émotion et prudence que le procureur de la République d’Annecy Eric Maillaud a livré, lors d’une conférence de presse, les derniers éléments de l’enquête sur la tuerie de Chevaline en Haute-Savoie qui a coûté la vie à quatre personnes.

Les victimes

Le magistrat a confirmé que les corps avaient été découverts à « 15h48 », mercredi, par un cycliste sur le parking d’un chemin forestier « très isolé ». Ce témoin, un Britannique, ancien membre de la Royal Air Force, voit d’abord une fillette « s’effondrer » devant lui, il se précipite vers elle et lui administre les premiers secours avec « sang froid » avant de donner l’alerte. Puis, il fait le tour du véhicule dont le moteur tourne toujours. Il découvre alors un autre cadavre: celui du cycliste qui l’a dépassé quelques minutes auparavant sur le sentier menant au parking. L’homme brise ensuite la vitre du conducteur – à droite, car il s’agit d’un véhicule britannique – pour « couper le contact ». Il aperçoit alors le chauffeur et deux femmes sur la banquette arrière, dont l’une plus âgée, et présume qu’ils sont morts.

La fillette replongée dans un coma artificiel

A leur arrivée, les pompiers prennent en charge la fillette grièvement blessée. Selon le procureur, elle a été touchée par balle à l’épaule et présente des « contusions » extrêmement importantes au crâne. Bien que « son état s’améliore », elle a été « plongée dans un coma artificiel » et doit être de nouveau opérée au CHU de Grenoble. A aucun moment le témoin ne remarque la présence d’une autre fillette. Selon Eric Maillaud, « rien ne pouvait nous laisser présager » un tel scénario. C’est un homme qui séjournait au même camping que les victimes qui a prévenu les enquêteurs de l’existence d’un deuxième enfant. Il est alors 23h. Les gendarmes ratissent d’abord le parking puis inspectent la voiture. Une enfant âgée de 4 ans est découverte « sous les jupes d’une femme, entourée de sacs de voyage ». « Sur le plan physique, elle va très bien. Elle était manifestement heureuse de sortir. Mais très vite, elle a demandé où était sa famille », a ajouté le procureur.

Un passeport suédois et un autre irakien

D’après les premières constatations – les autopsies doivent être menées vendredi après-midi – « au moins trois des quatre victimes ont été tuées d’une balle dans la tête ». En témoignent les nombreuses douilles, provenant d’un pistolet automatique, retrouvées sur la scène du crime. « C’est un acte d’une immense sauvagerie: ce qui est sûr c’est qu’on voulait tuer », a commenté le procureur.
Pour l’heure, de nombreuses interrogations demeurent. Quel est le mobile? Pourquoi ce lieu? Pourquoi les victimes ont été prises pour cible? Même leur identité pose question. Le magistrat s’est montré extrêmement prudent et a refusé d’établir un lien de filiation entre les différentes personnes à bord de la BMW. Seule l’identité du conducteur du véhicule a été confirmée à cette heure: il s’agit d’un Britannique « né en Irak » en 1962 et résident « depuis de nombreuses années » – « probablement 2002 » – dans la banlieue de Londres. Par ailleurs, un passeport suédois a été retrouvé dans les effets personnels de la personne âgée. Un passeport irakien était également à bord du véhicule.

Quant à la quatrième victime, un jeune père de famille dont la disparition a été signalée par sa femme, il pourrait s’agir d’un « simple cycliste venu pédaler à cet endroit là ». En somme, une victime collatérale. Selon le Dauphiné Libéré, il s’agit de Sylvain Mollier, employé dans l’entreprise « Cezus », une usine du groupe Areva, basée à Ugine en Savoie. Il serait père de trois enfants.

Les survivantes

Une enfant de quatre ans a été retrouvée indemne dans la voiture, tapie sous les jambes de sa mère et de sa grand-mère, vers minuit, soit huit heures après la découverte des corps.
« Elle est restée sous les corps, prostrée pendant près de huit heures et n’a pas bougé pendant tout ce temps-là. On n’a pu la trouver qu’à partir du moment où on a eu accès à la scène du crime », c’est-à-dire après l’arrivée des techniciens de l’Institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale (l’IRCGN), venus de Paris, a expliqué le procureur d’Annecy Eric Maillaud. La fillette ne se serait pas manifestée, ne pouvant pas faire la « différence entre les gentils et les méchants ». La petite fille « a entendu des bruits, des cris mais elle ne peut pas en dire plus, elle n’a que quatre ans » a précisé le procureur. Sa soeur aînée, âgée de 8 ans, grièvement blessée, a été hospitalisée mercredi soir à l’hôpital de Grenoble. Son état est stabilisé et les médecins « envisagent qu’on puisse l’entendre dans les prochains jours », a par ailleurs indiqué M. Vinnemann.

Les fillettes placées sous protection

« Il va de soi que les deux fillettes sont protégées », a déclaré le procureur de la République d’Annecy. « Toutes les précautions ont été prises pour qu’elles soient encadrées, soignées et protégées dans les meilleures conditions possibles », a-t-il ajouté, se refusant à préciser le lieu où a été placée la cadette. « En termes d’information pour le public, ça n’apporte strictement rien de savoir où est cette enfant », a-t-il expliqué.

L’interview du procureur de la République d’Annecy Eric Maillaud


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L’enquête

Plusieurs témoins affirment avoir vu « un véhicule blanc » prendre la fuite, affirme BFM TV. La personne qui a découvert la scène de crime va être entendue pour déterminer si elle a pu apercevoir cette voiture.

Les médias britanniques se sont emparés de l’affaire dès mercredi soir, après la révélation que la plaque d’immatriculation du véhicule était britannique. The Independent et le Mirror évoquent l’hypothèse d’un braquage qui aurait mal tourné, tandis que The Telegraph parle d’assassinats, prémédités donc, par un tueur soucieux de ne laisser aucun témoin derrière lui, des hypothèses que les enquêteurs n’avancent pas pour l’heure.

LeVif.be avec L’Express

Pourquoi la fillette survivante a-t-elle été retrouvée au bout de 8 heures?

C’est une véritable miraculée. Une fillette britannique de quatre ans a été retrouvée indemne environ huit heures après la fusillade qui a fait quatre morts et une blessée mercredi à Chevaline, sur les hauteurs du lac d’Annecy en Haute-Savoie. Comment expliquer que les forces de l’ordre, alertées par un cycliste vers 15h50, n’aient pas vu la petite fille avant? Dans un premier temps, ce sont les pompiers qui arrivent sur le parking du chemin forestier de Chevaline, puis les gendarmes. En attendant l’arrivée des techniciens de l’Institut de recherche criminelle de la gendarmerie nationale (IRCGN) venus de Rosny-sous-Bois, en Seine-Saint-Denis, la scène du crime est « gelée », pour préserver les indices. Les secours et les gendarmes ont donc l’interdiction formelle de pénétrer dans la voiture. Ils ne peuvent même pas ouvrir les portes, pour ne pas compromettre l’enquête balistique: le risque de briser les vitres fissurées par l’impact des balles est trop important.

La caméra thermique ne détecte pas l’enfant

Un hélicoptère équipé d’une caméra thermique survole les lieux à la recherche d’autres corps, sans parvenir à détecter la fillette dans la voiture, « qui formait une masse avec sa mère », explique le lieutenant-colonel Benoît Vinnemann, qui commande la section de recherches de la gendarmerie de Chambéry. De leur côté, les pompiers et le médecin-légiste regardent dans la voiture par des trous à travers les vitres. A l’avant se trouve le père. A l’arrière, la mère et la grand-mère. Et la fillette, invisible. Lorsque l’équipe scientifique arrive, elle doit d’abord effectuer les premières mesures techniques: il s’agit de calculer toutes les trajectoires des balles afin d’effectuer une modélisation en 3D de la scène du crime. Quand les gendarmes scientifiques ouvrent enfin la voiture, ils découvrent la fillette prostrée, cachée à l’arrière, derrière les jambes de sa mère et sa grand-mère décédées. Traumatisée par les évènements qu’elle vient de vivre, l’enfant est probablement restée silencieuse pendant les huit heures durant lesquelles elle est restée dans la voiture. « Elle ne pouvait pas faire la différence entre les gentils et les méchants » a expliqué le procureur de la République d’Annecy Eric Maillaud. Mais selon Christian Navarre, psychiatre spécialiste des catastrophes, la peur n’est peut-être pas l’unique ressort de ce comportement. Il est assez fréquent de voir lors des drames les victimes entrer dans un état de « sidération » et rester figées plusieurs heures dans un état second. « Dans des situations dramatiques, il arrive fréquemment que les victimes restent pétrifiées. Le corps est mis en alerte et se décroche de la réalité pour supporter l’insupportable ». Ce processus s’arrête lorsqu’elles sont prises en charge. Selon RTL, la petite a d’abord crié et refusé de sortir de la voiture. Elle accepte finalement d’être prise dans les bras d’une femme gendarme de la section de recherche de Chambéry, puis se met « spontanément (…) à sourire et à parler en anglais », explique le procureur.

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