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France : « La campagne présidentielle de 2012 sera plus clean »

Le journaliste et écrivain Pierre Péan, auteur de « La République des mallettes », ne voit pas François Hollande accepter de l’argent sale. Et le déballage récent des affaires incitera la droite à la prudence.

Pierre Péan présente à Bruxelles son dernier ouvrage « La République des mallettes » (*). Cette plongée dans le financement occulte des partis politiques en France a pour fil conducteur Alexandre Djourhi, un acteur discret et essentiel de l’Elysée tant sous Chirac que sous Sarkozy. Le thème est au coeur de l’actualité depuis les révélations de l’intermédiaire Ziad Takieddine dans l’affaire Karachi.

Levif.be : Le pouvoir français a-t-il besoin de personnalités comme Alexandre Djouhri pour fonctionner ?

Pierre Péan : Ziad Takkiedine joue un rôle d’intermédiaire classique pour conclure des contrats avec l’étranger. Est-ce qu’il y a eu des rétrocommissions ? La justice le dira. Alexandre Djouhri, ce n’est pas du tout cela. Il considère d’ailleurs comme une injure d’être qualifié d’intermédiaire. Mais s’il est au poste qu’il est , c’est qu’il rend des services. Lesquels ? Je pose des questions. J’émets l’hypothèse que, comme il ne parle pas arabe, comme on n’a pas besoin de lui comme intermédiaire classique et comme on le place sur des contrats existants, il est au coeur de l’appareil d’Etat et il permet probablement que de l’argent arrive chez des décideurs et dans des partis politiques.

Vous dites avoir vu à plusieurs reprises Alexandre Djouhri en Afrique à une époque où vous le suspectiez d’être un « porteur de valises » pour les dirigeants français. N’est-ce pas aussi un personnage qui en sait beaucoup sur les dessous du pouvoir, ce qui fait qu’il est craint et ce qui le proège ?

Il rend des services. J’ai essayé de cerner le type de services qu’il rend. Ce n’est pas un hasard si je termine ce livre par ce que je crois être son secret principal, cette phrase qu’il répète souvent à son entourage : « Je les tiens par les couilles ». Depuis une trentaine d’années, il est dans les zones grises de l’Etat.

Y a-t-il une fatalité du financement occulte des partis politiques en France ? Vous suggérez dans votre livre que les nouvelles lois de financement ont abouti au recours à des moyens plus sophistiqués pour les contourner ?

Au fil des ans, les instructions judiciaires et les enquêtes journalistiques restreignent les marges de manoeuvre. L’affaire Karachi, par exemple, va avoir des conséquences. On imagine mal maintenant que des gens se lancent dans des opérations qui les conduisent en prison. A la longue, cela va s’assainir.

Une des constantes est le rôle de certains chefs d’Etat africains comme financiers des partis politiques français, comme le « porteur de valises » Robert Bourgi l’a confirmé. Ce système s’est-il arrêté avec Nicoles Sarkozy ?

Tout le monde savait que Robert Bourgi était un « porteur de valises ». Qu’il le dise en donnant de détails, c’est autre chose. Il ne vous a pas échappé qu’un des messages importants délivré par Bourgi était que cela s’était arrêté en 2005. Cela ne tient pas la route. Cela a duré au moins jusqu’en 2007 (NDLR : date de l’élection de Nicolas Sarkozy). Après ? On verra dans 3 ou 4 ans…

Prendriez-vous le pari que le financement de la campagne présidentielle de 2012 sera tout à fait clean ?

Je ne voudrais surtout pas parier qu’elle sera tout à fait clean. Mais je pense qu’elle sera plus propre que les autres. La peur du gendarme est plus forte que la vertu. Je ne vois pas François Hollande accepter des mallettes. De l’autre côté, avec tout ce qui est sorti ces dernières semaines, la prudence sera de mise. Je ne parierais pas non plus qu’il n’y aura que de l’argent propre.

Gérald Papy

(*) La République des mallettes, Enquête sur la principauté française de non-droit, éd. Fayard, 481 p.

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