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Espagne : l’agression d’une famille par des vigiles pose question (Vidéo)

Le Vif

L’agression d’un couple français accusé de vol dans un supermarché par deux vigiles espagnols a fait couler beaucoup d’encre en Espagne. D’autant que ce fait-divers tombe en pleine polémique concernant une loi qui étend désormais le pouvoir de contrôle et d’arrestation des vigiles aux lieux publics.

Début janvier, la mésaventure d’un couple français a fait le tour de la toile et des réseaux sociaux espagnols. Le 30 décembre dernier, en vacances à Torrevieja dans le sud de l’Espagne, le couple originaire de Gironde fait ses courses avec ses deux enfants de 5 et 13 ans lorsque les portiques sonnent. Les vigiles ne trouvent rien, mais persistent et décident de fouiller la femme, d’origine camerounaise. Elle se serait même fait cracher et taper dessus. Son époux décide d’intervenir, mais est étranglé jusqu’à perdre connaissance et s’en tire avec une côte cassée. « Ils me foutaient des coups partout, ils me crachaient dessus et moi je criais. Je disais, on va mourir ici, dans ce box, sans aucun témoin. Et le petit pleurait », témoigne ainsi Alice Nadaud à nos confrères hexagonaux de France Bleu Gironde.

Il ne s’agit que d’une version des faits, bien évidemment, mais la scène filmée par leur fils aîné avec son GSM fait froid dans le dos… La famille a, depuis, déposé plainte et décidé d’écrire aux ministres de l’Intérieur, des Affaires étrangères et au président de la République. Les deux vigiles employés par l’entreprise Castellana de Seguridad ont été suspendus « de manière temporaire » en attendant que lumière soit faite concernant cette affaire.

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Cette vidéo interpelle évidemment. Elle a d’autant plus fait parler, en Espagne, qu’elle se déroule « en pleine polémique avec la nouvelle loi que prépare le gouvernement de Mariano Rajoy rappelle Ruben Esquitino, journaliste au quotidien El País. Cette loi intitulée « Ley de Seguridad Privada » étend, en effet, les prérogatives des vigiles et prévoit, notamment que ces derniers puissent désormais contrôler, fouiller et arrêter tout citoyen tant dans les propriétés privées (entreprises, parkings, centres commerciaux…) que sur la voie publique le temps de les livrer à la police ou la Guardia Civil. Le but : réduire les coûts dans un pays touché de plein fouet par la crise. « En moyenne, un policier gagne plus du double qu’un vigile », explique le criminologue Andrés López Rodríguez. « Sauf que ce sont des personnes qui sont employées par une entité dont l’unique but est de faire du bénéfice. De même, ils n’ont pas la même préparation ni la même responsabilité que les forces et les corps sécuritaires étatiques. »

« Un régime de dictature parlementaire »

Une autre loi « La Ley de Seguridad Ciudadana » concernant la sécurité publique, portée par le ministre de l’Intérieur Jorge Fernández conservateur du Partido Popular et membre de l’Opus Dei, fait également débat en Espagne. Ce texte prétend ainsi encadrer les manifestations et les mobilisations sociales nées de la crise. « Avec ce texte, les dénonciations faites par des policiers bénéficient de la présomption de véracité. Par conséquent, c’est celui qui fait l’objet de l’accusation qui devra démontrer la non-véracité de ce qui est avancé par les agents. Le système d’accusation fonctionnait ainsi également sous la dictature franquiste », est-il écrit dans un article publié dans Rue 89 par la dramaturge Astrid Menasanch Tobieson.

Parmi les 55 articles de ce texte, plusieurs inquiètent. Cette loi prévoit, par exemple, plusieurs interdictions sanctionnées par des amendes de 100 à 600 000 euros. Les manifestations non déclarées et prenant place devant le Congrès ou autres édifices appartenant à l’Etat seront interdites, tout comme la création d’un groupe, sur les réseaux sociaux ou dans un lieu public, autour de symboles ou de drapeaux. Il sera par ailleurs interdit d’utiliser des pancartes qui critiquent la nation espagnole ou de photographier un policier en service. Entre autres. « En transformant certains délits en simples infractions, il donne aux policiers le pouvoir d’infliger de fortes amendes pour des comportements qui devaient auparavant être jugés par un tribunal », indique Sandrine Morel la correspondante du quotidien Le Monde à Madrid.

Ce texte a également été critiqué par Nils Muiznieks Commissaire aux droits de l’homme du Conseil de l’Europe qui a affirmé « douter que ces restrictions soient nécessaires à une société démocratique. » Ce projet a ravivé, en outre, la flamme des Indignados du 25 S qui se sont réunis au Congrès le 14 décembre 2013 pour protester contre une loi qui vise selon eux à « instaurer un régime de dictature parlementaire ». C’est ce que pense aussi l’écrivain espagnol Javier Marias qui conclut sa chronique consacré au sujet par cette phrase : « Cette loi représente un retour au Franquisme. Si nous n’avions déjà pas suffisamment de preuves. »
Jacques Besnard

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