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Corée du Nord: quand les menaces trahissent l’angoisse du régime

Le Vif

Pyongyang multiplie les déclarations martiales et les mises en garde, dans l’indifférence générale. Plus vulnérable qu’on le dit, le régime de Kim Jong-Un semble gagné par la fébrilité

Roulez tambours, sonnez trompettes : la Corée du Nord a placé son armée en ordre de combat, le 26 mars, et demandé à son artillerie de se tenir prête pour frapper les bases militaires des Etats-Unis. Venant de tout autre pays, des appels aussi virils provoqueraient l’effroi. Mais les menaces de Pyongyang ont été accueillies dans une indifférence totale ou presque, car son armée est incapable de lancer un missile intercontinental. Si la Corée du Nord doit faire peur, c’est peut-être pour cela : le régime de Kim Jong-Un en est réduit à agiter des armes qu’il ne possède pas. Comme un athlète qui prétendrait vanter la taille de ses biceps en montrant du doigt des ballons gonflés à l’hélium…

A quoi joue la dictature dynastique de Kim Jong-Un? La Corée du Nord semble décidée à maintenir la tension au maximum sur la péninsule. Son essai nucléaire, le 12 février dernier, a entraîné de nouvelles sanctions de l’Organisation des Nations-Unies (Onu). Le 11 mars, la dénonciation unilatérale par Pyongyang de l’armistice signé en 1953 avec Séoul, à la fin de la guerre de Corée, semblait destinée à attirer l’attention, fût-elle hostile. De fait, dix jours plus tard, les 47 Etats membres du Conseil des droits de l’Homme de l’Onu, à Genève, ont accepté la création d’une commission d’enquête – la première du genre – sur les innombrables violations des droits de l’homme en Corée du Nord.

Pourquoi le régime de Pyongyang cherche-t-il à attirer sur lui les feux des projecteurs, à la manière de ceux qui affirment que la mauvaise publicité, c’est malgré tout de la publicité ?… Pour tenter de comprendre, il faut sans doute se projeter à la place de Kim Jong-Un. Arrivé au pouvoir après la mort de son père, Kim Jong-Il, en décembre 2011, le leader de la Corée du Nord est très jeune: il aurait entre 29 et 30 ans, selon ses biographes. En d’autres termes, il est au début d’un mandat qui s’annonce long et qu’il pourrait garder « à vie », s’il parvient à ne pas commettre d’erreur. Sa survie politique se confond avec sa survie tout court. Comment, dès lors, prolonger le plus longtemps possible son règne autocratique ?

À tort ou à raison, Kim Jong-Un peut estimer que le moindre signe d’ouverture lui serait fatal. En Libye, Mouammar Kadhafi a accepté d’abandonner son programme nucléaire sous la pression des pays occidentaux avant d’être renversé par des rebelles appuyés par ces mêmes pays occidentaux. Du point de vue de Kim Jong-Un, le précédent n’est guère rassurant: mieux vaut prendre exemple sur le cynisme de Bachar el-Assad, le leader syrien, et tenter par tous les moyens de conserver une « dictature à l’ancienne ».

Ce ne sera pas simple, car le régime est vulnérable. Les menaces sont internes, d’abord : alors que 28% des enfants nord-coréens souffrent de malnutrition chronique, comme le souligne un récent rapport de l’Onu, les habitants sont de mieux en mieux informés sur l’extraordinaire prospérité de l’ennemi historique sud-coréen, capitaliste et démocratique. Mais l’essentiel du danger est ailleurs.

Pour sa survie, Pyongyang dépend des approvisionnements énergétiques, de l’appui financier et du soutien diplomatique de Pékin. Or certains intellectuels, en Chine, s’interrogent ouvertement sur la sagesse qu’il y a à maintenir à flot un allié aussi imprévisible : les bonnes relations avec les Etats-Unis ne devraient-elles pas l’emporter sur le reste, dans l’intérêt des Chinois eux-mêmes?
Nul doute que de telles questions sèment la panique, à Pyongyang, dans les hautes sphères du régime. Ce qui explique, peut-être, l’agitation et les déclarations martiales de ces derniers mois…

Par Marc Epstein

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