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Comment vivre après avoir été otage pendant trois ans ?

Le Vif

Après plus de trois ans de captivité, les quatre otages d’Arlit ont regagné ce mercredi la France. Passée la joie de retrouver leurs proches, comment peut-on se reconstruire après une telle épreuve? Eléments de réponse avec Marianne Kedia, docteur en psychologie clinique, spécialiste des traumas.

Après plus de 1000 jours de détention, les quatre otages d’Arlit ont retrouvé ce mardi leurs familles. Dans quel état d’esprit sont-ils?

La libération est souvent un moment d’excitation intense. Les ex-otages passent d’un moment de privation total à une stimulation intense. Pendant des années, ils ont été totalement isolés et tout d’un coup ils sont le centre de l’attention de leur famille, mais également de la France entière. Leurs moindres gestes sont scrutés.

Mais c’est également un moment de stress intense: leur libération représente un changement radical de mode de vie et les retrouvailles avec les familles ne sont pas toujours simples. Certains culpabilisent d’avoir créé de l’inquiétude, il faut gérer la détresse, le stress… Et rattraper l’histoire personnelle: pendant leur absence, il y a pu y avoir des naissances, des décès, des unions… Ils découvrent également l’histoire de leur pays: savaient-ils que François Hollande avait, par exemple, été élu président ?

Mais cette période d’excitation ne dure pas…

Non, évidemment. A plus long terme, les anciens otages peuvent être soumis à des syndromes de choc post-traumatique s’ils ne sont pas bien pris en charge. Ils revivent en permanence leur expérience. Cela peut passer par des cauchemars, des insomnies, sursauter au moindre bruit… Le propre des événements traumatiques est le sentiment d’être seul avec sa propre histoire, que personne ne vous comprend… Cela peut même aller jusqu’à la dépression. Certains ont le sentiment que la banalité du quotidien n’a plus de saveur, de sens…

Mais peut-on se reconstruire après avoir passé autant de temps seul?

Bien sûr, mais il vaut mieux être bien entouré. Cela ne se fait pas du jour au lendemain, mais certaines personnes qui ont vécu des événements traumatiques, même longs, construisent ensuite une vie très heureuse.

Ils ont refusé de dormir dans un lit, préférant passer la nuit à même le sol comme ils l’ont fait pendant trois ans. Est-ce que tous les gestes du quotidien sont à réapprendre?

Il faut les ramener progressivement à la vie normale. Pendant leur détention, ne pas s’affirmer était la condition sine qua none à leur survie. Ils doivent désormais réapprendre des choses qui nous semblent automatiques: choisir ce qu’ils veulent manger, aller aux toilettes quand ils en ont envie, dormir dans un lit… Ils ont également vécu tous les quatre pendant trois ans, la séparation n’est pas forcément évidente. C’est pour cette raison que bien souvent, dans ce genre de libération, les ex-otages ne sont pas directement envoyés dans leurs familles. Ils restent au moins deux-trois jours à l’hôpital ou dans une structure, entourés de psychiatres, pour retrouver des réflexes de la vie quotidienne.

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