© Reuters

Charlie Hebdo : un Patriot Act à la française, fausse bonne idée ?

Marie Gathon
Marie Gathon Journaliste Levif.be

Après les attentats de Paris, les gouvernements s’apprêtent chacun à prendre des mesures pour lutter contre le terrorisme et rassurer les populations. Certains évoquent déjà la possibilité d’instaurer un « Patriot Act » à la française. Pourtant, le bilan mitigé des mesures prises par le gouvernement américain après les attentats du 11 septembre devrait faire réfléchir les autorités.

Le Patriot Act a été instauré en octobre 2001 par Georges Bush après les attentats de New York. Il s’agit de plusieurs mesures qui visent à « fournir les outils appropriés pour déceler et contrer le terrorisme ». Un certain nombre de libertés fondamentales ont été remises en question outre-Atlantique. Le pouvoir des agences de renseignement a été renforcé : la NSA (dont les dérives ont été divulguées par Edward Snowden en juin 2013), le FBI (le service de renseignement intérieur) et la CIA (l’agence de renseignements extérieurs).

Dans la lutte contre le terrorisme, le Patriot Act a rendu légales les écoutes téléphoniques et la surveillance électronique (ainsi que leur archivage) sur base de simples soupçons, explique Le Monde. La police acquiert également le droit de perquisitionner l’habitation d’un suspect sans le tenir informé.

Par ailleurs, le texte prévoyait la création de statuts juridiques particuliers tels qu' »ennemi combattant » ou « combattant illégal » qui ont permis d’enfermer des personnes soupçonnées de terrorisme sans procès et pour une durée indéterminée dans la prison de Guantanamo.

Même si le président actuel, Barack Obama, a tenté de réformer la loi en 2013 à la suite de l’affaire Snowden, elle est toujours d’application aujourd’hui.

En Belgique, le gouvernement fédéral parle déjà de donner un coup d’accélérateur à l’adoption d’un premier paquet de mesures destinées à renforcer l’antiterrorisme et la lutte contre la radicalisation.

Au programme : la facilitation des écoutes téléphoniques. Selon les désirs du gouvernement, le cadre dans lequel les autorités judiciaires pourront avoir recours aux écoutes devrait être élargi. Il devrait également être rendu plus souple afin que des mises sur écoute puissent être pratiquées plus rapidement.

D’autres mesures, comme le gel administratif des avoirs des combattants partis à l’étranger ou des modifications légales permettant de déchoir un combattant terroriste de sa nationalité, devraient aussi faire partie de ce premier paquet destiné à combattre la radicalisation.

Par ailleurs, le ministre de la Justice, Koen Geens, a annoncé son intention d’organiser une « répartition judicieuse » des détenus dans les diverses prisons du pays en fonction du risque de radicalisation qu’ils présentent, ainsi que de recourir davantage au travail des conseillers islamiques. Ce « qui ne devrait pas être trop compliqué », selon le ministre.

Dans les écoles?

Dans le même temps, la ministre de l’Éducation en Fédération Wallonie-Bruxelles, Joëlle Milquet , livre un plan de lutte contre la radicalisation des jeunes dans le cadre scolaire. La ministre propose deux jours de formation aux enseignants, éducateurs, directeurs d’écoles et centres PMS. Il est aussi question de montrer une pièce de théâtre aux élèves des écoles concernées et d’élaborer différents outils pédagogiques « afin de proposer aux jeunes une meilleure résistance morale face aux logiques d’endoctrinement ».

Des mesures pétries de bonnes intentions fleurissent donc un peu partout au lendemain des attentats de Paris. Les États veulent montrer qu’ils mettent tout en oeuvre pour lutter contre le terrorisme. Reste à voir dans quelle société nous voulons vivre ? Renforcer la surveillance et les mesures de sécurité pourrait ne servir à rien si l’enseignement manque toujours cruellement de moyens pour éduquer les jeunes et leur donner un avenir.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire