Cabu, Tignous, Charb et Wolinski © AFP

Cabu, Wolinski, Charb, Tignous… des monuments au sein du monument

Olivier Van Vaerenbergh
Olivier Van Vaerenbergh Journaliste livres & BD

Aujourd’hui, Charlie est mort. Et le carnage est phénoménal : Cabu, Wolinski, Charb, Tignous sont morts. Des monuments au sein du monument, assassinés parce qu’ils avaient de l’humour et savaient l’exprimer – cauchemar.

Georges Wolinski fait partie de l’inconscient collectif français, presque de son patrimoine. L’homme et le dessinateur de toutes les aventures libertaires et anars qu’a pu connaître la presse française, de Hara-Kiri à Charlie en passant par l’Enragé, Action ou l’Huma, mais aussi France Soir ou Paris-Match. Ses dessins expressifs, souvent à double sens, souvent coquins, jouaient sans cesse, déjà, sur l’ambiguïté de ses positions et celles de ses personnages, Français moyens dans lesquels beaucoup reconnaissaient leurs voisins, moins souvent eux-mêmes. A plus de 80 ans, il y allait encore de ses dessins de presse et de ses doigts d’honneur aux convenances, dans un style et un ton qui a influencé en plusieurs décennies de générations de lecteurs et d’auteurs.

Cabu possède, au minimum, la même stature. A son compteur, plus d’un demi-siècle de dessins iconoclastes, provocateurs, libres et toujours drôles. Star du dessin dans les années 70 et 80, lui aussi fut de toutes les aventures libertaires : devenu antimilitariste et anarchiste avec la guerre d’Algérie, Cabu fut de l’Enragé, de Hara-Kiri, et évidemment de Charlie, depuis ses débuts et ses nombreuses vies. Le Grand Duduche né dans Pilote en 1963 restait son personnage fétiche, même si son dessin s’est fait plus politique que social avec le Charlie de 1992 et ses dessins dans Le Canard Enchaîné. Illustrateur touche à tout, y compris de nombreuses pochettes de disques, de Duke Ellington à Dorothée, et figure incontournable de la fameuse émission « Droit de Réponse », Cabu était aussi le père du regretté Mano Solo, et culte pour beaucoup. Désormais à jamais.

Charb n’avait pas encore atteint ce statut, mais n’avait que 47 ans. Et il incarnait Charlie plus que tout autre ces dernières années : il en était le directeur de publication depuis 2009, assumant tout et surtout leurs moqueries répétées de tous les obscurantismes et tous les terrorismes, islamiste en particulier. Il en a fait un gag récurrent, des meilleurs Une de Charlie jusqu’à sa propre rubrique dans Fluide Glacial qu’il avait baptisé, « La fatwa de l’ayatollah Charb », flinguant du crayon tout et tout le monde. On en oublierait presque quel foutu excellent et efficace dessinateur de presse et de BD il était, avec entre autres 4 tomes des hilarants et anticapitalistes « Maurice et Patapon ». Ses personnages favoris s’appelaient Marcel Keuf ou Sarko, et il était l’un des satiristes les plus drôles de sa génération, provoc et libre jusqu’au dernier dessin.

Tignous avait intégré la rédaction de Charlie Hebdo en même temps que Charb, dans les années 90. Lui aussi caricaturiste et dessinateur de presse, lui aussi convaincu que la liberté d’expression n’a pas de prix, collaborait aussi et depuis des années à Marianne ou Fluide Glacial. Il avait 57 ans.

Huit autres personnes sont mortes ce mercredi matin, dont l’économiste Bernard Maris qui signait dans Charlie Hebdo sous le pseudonyme « Oncle Bernard », alors que Charlie tenait une réunion de rédaction. Nul ne sait s’il sortira mercredi, comme d’habitude depuis plus de 20 ans.

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