Carte blanche

Burkini : l’honneur perdu de la République Française

« Aujourd’hui en France, dans la continuité logique d’un rapport colonial bien ancré dans la mentalité française, les musulmans seraient condamnés à raser les murs. Bien sûr l’égalité reste bétonnée dans la constitution, mais sa portée effective n’en finit plus de craqueler surtout pour ceux dont la croyance semble moins respectable que celles des autres » dit Carlos Crespo, président du MRAX

L’article premier de la constitution française dispose que «  »La France est une République indivisible, laïque, démocratique et sociale. Elle assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race ou de religion. Elle respecte toutes les croyances. Son organisation est décentralisée. La loi favorise l’égal acc des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives, ainsi qu’aux responsabilités professionnelles et sociales. ».

Si l’application concrète de ces principes bénéfiques n’a pas toujours été pleinement effective, force est de constater qu’aujourd’hui, ils sont délibérément foulés aux pieds pour certaines catégories de citoyens. Les citoyens français de confession musulmane, puisque c’est d’eux qu’il s’agit, devraient d’après Jean-Pierre Chevenement, ancien ministre « de gauche » et éventuel futur président de la Fondation pour l’islam de France, faire preuve de « discrétion ». Ces propos font notamment suite à la polémique de l’été sur le « burkini », tenue vestimentaire destinée à la baignade et portée par quelques musulmanes qui le considèrent conforme a leur croyance et à leur pudeur. Certains y voient plutôt « un signe d’allégeance à des mouvements terroristes qui nous font la guerre » et des maires ont ainsi été jusqu’à mobiliser la puissance de l’État en prenant un arrêté interdisant le « burkini ». Nous sommes bien loin d’un respect de toutes les croyances et la référence à la laïcité, autre principe garanti par le Texte constitutionnel, est en l’espèce particulièrement bancal. Les arguments de préservation des valeurs d’égalité et de respect de l’autre qui prévalaient lors de l’adoption de la loi de 2004 prohibant le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse dans les établissements scolaires français et l’objectif de garantir l’ordre public mis en avant en 2010 lors de l’adoption de la loi interdisant la burqa ne peuvent être dans le cas présent sérieusement invoqués Le Premier Ministre français a d’ores et déjà cautionné publiquement l’action des maires concernés ainsi que les déclarations de Chevenement.

Ainsi, aujourd’hui en France, dans la continuité logique d’un rapport colonial bien ancré dans la mentalité française, les musulmans seraient condamnés à raser les murs. Bien sûr l’égalité reste bétonnée dans la constitution, mais sa portée effective n’en finit plus de craqueler surtout pour ceux dont la croyance semble moins respectable que celles des autres. Bien sûr, d’aucuns ne se priveront pas de faire le lien avec les attentats d’une secte criminelle se revendiquant de l’Islam. Évidemment, la lutte contre les sicaires de DAESH doit être une priorité absolue. Comment ne pas être horrifié par les assassinats immondes commis à la rédaction de Charlie hebdo, à l’hyper casher, au bataclan, dans différents cafés, dans un domicile familial, sur la voie publique et même dans une église ! Que des individus aient pu mourir en France parce que juifs, parce qu’ils faisaient leurs métiers ou simplement parce qu’ils avaient la malchance de se trouver au mauvais endroit au mauvais moment constitue une abomination révoltante. Tant qu’à aller au bout du constat, il semble opportun de rappeler que le sang des musulmans a également aussi coulé du fait des actes terroristes de DAESH. Des mesures fortes sont indispensables pour protéger la collectivité de cette engeance. Une des premières urgences est clairement de cesser de les armer. Il ne s’agit pas tant des armes et du financement que cette organisation aurait pu recevoir des dictatures totalitaires du Golfe avec lesquelles la France entretient des relations si cordiales que des armes idéologiques que la République s’obstine à leur offrir. Si on admet que l’objectif de DAESH est de pousser les Français à la confrontation armée, voire à la guerre civile, alors il est primordial de cesser d’accréditer leurs thèses sur le fait que les musulmans de France ne sont qu’un corps étranger dans un état mécréant qui à chaque occasion lui exprime son rejet. Donner du crédit à la propagande « califale » sur un combat éternel entre la France et l’Islam ne peut être que contre-productif.

La patrie illustre d’Hugo et Zola devient davantage à chaque jour qui passe le territoire souillé de Le Pen et Morano. Au propos de Jaurès qui clamait le pacifisme et la démocratie « jusqu’au bout » a succédé la rhétorique belliciste de Valls et ses mesures de restriction des libertés publiques. L’idéal d’Aristide Briand qui consacra par une loi la séparation légitime de l’Église et de l’État est aujourd’hui instrumentalisé par des maires côtiers pour imposer une laïcité dont une Police de la Vertu serait la garante ! Les Lumières semblent désormais bien éteintes en leur pays.

Ce qui fait l’honneur d’un pays comme la France c’est sa capacité à appliquer effectivement les principes démocratiques et humanistes dont elle proclame être l’étendard. Cet honneur semble bel et bien perdu. D’autant que cette laïcité qui se veut inflexible, si elle est contraignante pour les faibles, semble bien accommodante pour les forts. Qui a oublié le triste épisode de la privatisation l’année dernière d’une plage des environs de Cannes, aujourd’hui à la pointe du combat contre le burkini, pour préserver la pudeur du roi Saoudien et de sa cour ? Les valeurs islamiques seraient-elles compatibles avec celles de la République lorsque ceux qui les professent ont les moyens de passer des commandes onéreuses auprès des industriels français de l’armement ?

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