Philippe Lamberts

Brexit: la faillite des élites européennes

Philippe Lamberts Co-Président du Groupe des Verts/ALE au Parlement européen

Il est un écueil qu’il convient absolument d’éviter dans l’interprétation actuelle du Brexit: celui consistant à renvoyer aux seuls Britanniques la responsabilité de cette crise politique sans précédent.

Certes, une majorité d’entre eux s’est prononcée souverainement en faveur d’une sortie de l’Union européenne (UE). Certes, les Britanniques ont toujours entretenu une relation plus qu’ambigüe au projet européen. Certes, ce jour marque la victoire d’une campagne qui a joué sur la peur, le repli sur soi, le nationalisme, le refus de solidarité européenne. Dans ce contexte, la tentation est grande de raviver les vieux réflexes identitaires en pointant d’un doigt revanchard ces insulaires présomptueux.

Mais ne nous voilons pas la face: si un tel référendum devait aujourd’hui être organisé dans chacun des États membres de l’UE, il y a fort à parier que d’autres peuples européens feraient également le choix de la sortie. La défiance envers l’Union s’étend en effet bien au-delà des îles britanniques.

Pourquoi? Parce que le projet européen ne fait plus rêver. Parce que ses promesses initiales de prospérité partagée ont été dévoyées. Au point qu’aujourd’hui, l’Union incarne aux yeux de nombreux citoyens européens la tyrannie du « Big Business », du tout-au-marché, ou de l’austérité.

Aujourd’hui, l’Europe incarne aux yeux de nombreux citoyens européens la tyrannie du u0022Big Businessu0022, du tout-au-marché, ou de l’austérité.

Une sage décision dès lors de la part des Britanniques de s’affranchir de cette Union qui s’est égarée en chemin?

Point du tout. Car, c’est une illusion bien dangereuse que de penser qu’une sortie de l’UE permettrait une rupture avec le dogme de la pensée unique. Qui peut réellement croire qu’en supprimant les institutions européennes, David Cameron, François Hollande, Angela Merkel, Matteo Renzi, Mark Rutte, ou encore Charles Michel cesseraient, comme par enchantement, d’actionner le rouleau compresseur des « réformes structurelles » (i.e. flexibilisation du marché du travail, désinvestissement dans les services publics, relèvement de l’âge de la retraite, augmentation des impôts indirects, etc.)? Le crédo néo-libéral est aujourd’hui hégémonique au sein des élites européennes et c’est ce qui explique pourquoi il imprègne de manière aussi cinglante le contenu des politiques publiques, tant au niveau national qu’européen.

Dans ce contexte, que faire?

Au 21e siècle, il n’y a de souveraineté que partagée. Notre seule option à présent est donc un véritable « reboot » du projet européen, une remise à zéro des compteurs politiques et idéologiques, un nouveau départ. Le Brexit va devoir forcer une réflexion absolument essentielle au sein des institutions européennes et des États membres, et la définition d’une nouvelle direction politique, au service des intérêts des citoyens et des citoyennes européennes, dans une Europe plus juste, plus durable et plus démocratique.

L’essence du projet d’Union européenne est de garantir la paix par l’extension des libertés et de la démocratie ainsi que le partage de la prospérité. Nous devons répondre de cette promesse originelle et l’imprimer dans la réalité. C’est en tout cas la réponse qu’attendent celles et ceux qui, de manière légitime, se sentent déçus, abandonnés voire trahis par l’Europe – et les Britanniques sont loin d’être les seuls. C’est en tout cas la voie à suivre si nous voulons renouer avec les citoyens et faire en sorte qu’ils se reconnaissent dans un projet commun.

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