Trump à Savannah © Reuters

Avec Trump, la campagne américaine vire à la foire d’empoigne

Le Vif

A force de jouer les gladiateurs, Donald Trump transforme l’arène politique américaine en jeux du cirque : ses adversaires l’accusent d’avoir libéré des pulsions délétères et les coups bas vont redoubler selon les experts.

« Je m’attends à une forte augmentation des tensions et de la violence lors des prochains rassemblements politiques », confie à l’AFP Steffen Schmidt, professeur de sciences politiques à l’université de l’Iowa.

Dans la longue joute présidentielle qui consterne déjà bien des observateurs, ce week-end du 11 au 13 mars restera en effet comme celui d’une nouvelle détérioration très nette de la qualité du débat.

Cela a débuté par des échauffourées et l’annulation d’un meeting de Trump vendredi soir à Chicago; puis, samedi matin, un homme tentait de sauter sur la scène d’une réunion de campagne du candidat républicain dans l’Ohio, forçant l’intervention des agents du Secret service; quelques heures plus tard, les policiers aspergeaient de gaz lacrymogène des manifestants anti-Trump à Kansas city.

La campagne semble donc virer à la foire d’empoigne, avec des débordements parfois racistes se cristallisant autour des déplacements du milliardaire.

Donald Trump a de son côté menacé dimanche d’envoyer ses militants perturber les réunions politiques de son rival démocrate Bernie Sanders.

Est-ce à dire que les heurts, les injures, les gardes du corps et les matraques policières seront désormais les éléments de décor incontournables de la présidentielle 2016 ? Certains le craignent ouvertement. « Trump a allumé un incendie. Peut-il être maîtrisé ? », se demande ainsi le Washington Post dans un commentaire.

Avec Trump, la campagne américaine vire à la foire d'empoigne
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‘Nez en sang et fractures’

« Les partisans de Trump vont désormais aller aux événements de Sanders pour les perturber. Puis les partisans de Sanders riposteront et il y aura pas mal de nez en sang et de fractures osseuses », prédit le professeur Schmidt.

Avec ses diatribes contre Washington, ses injures visant ses rivaux — le « petit » Marco Rubio et le « menteur » Ted Cruz –, ses stigmatisations des musulmans et des hispaniques, Donald Trump se voit reprocher d’attiser les haines et d’enhardir ses partisans. « Sa rhétorique incite les débordements brutaux à ses rassemblements », a dénoncé dimanche dans un éditorial le Washington Post.

La semaine dernière, un homme de 78 ans, John McGraw, a brusquement frappé un manifestant noir lors d’un meeting de Trump en Caroline du Nord. « J’ai aimé ça, lui clore sa grande bouche », a ensuite déclaré l’agresseur. « La prochaine fois, il nous faudra peut-être le tuer ».

M. Trump a refusé d’endosser toute responsabilité dans cette affaire et a continué d’assurer que ses meetings étaient non violents, même si lui-même flirte en permanence avec les lignes rouges. « J’aimerais lui balancer mon poing dans la figure », a-t-il ainsi asséné au sujet d’un homme qui l’avait interrompu dans son discours.

M. Trump a par ailleurs justifié les excès de certains de ses partisans au nom de la « colère » qu’ils auraient le droit de ressentir.

Pas étonnant dans ces conditions que les lieux de déplacement du milliardaire deviennent le rendez-vous de militants antiracistes et libertaires, ou de défenseurs des sans papiers.

Le génie s’est échappé

« Trump attire les protestataires typiques –qui ne sont pas des militants de Bernie Sanders–, les gens en marge et les militants purs et durs qui veulent en découdre », explique à l’AFP le politologue Mac McCorkle. « C’est un peu comme le génie de la lampe: je pense que ces manifestants vont continuer à se rendre à ses meetings, mais on ignore comment les remettre dans la lampe », poursuit-il. Il était jusqu’alors fréquent que les réunions de campagne du magnat de l’immobilier soient interrompues par un ou plusieurs contestataires, invariablement expulsés de la salle. Mais à Chicago vendredi, ils étaient des milliers. M. Trump a dénoncé des « agitateurs professionnels » auteurs d’une « attaque planifiée ». A la suite de quoi le président Barack Obama a appelé les candidats à rejeter les « insultes et les sarcasmes de cour d’école ».

En tête de la course dans le camp démocrate, Hillary Clinton a pour sa part reproché à M. Trump d’avoir un comportement de « pyromane ».

Le candidat républicain et gouverneur de l’Ohio John Kasich a, lui, accusé M. Trump de « créer un climat toxique ».

Pour le professeur McCorkle, cette stratégie de l’outrance pourrait valoir à Trump des « gains à court terme ». Un nombre important de délégués sont offerts au vote dans cinq Etats cette semaine, pour le deuxième « super mardi » des primaires. Mais pas à long terme, c’est-à-dire après les conventions d’investiture de cet été.

Si Hillary Clinton se retrouvait alors face à Trump dans la confrontation finale, le professeur Schmidt prédit « la campagne présidentielle la plus vacharde depuis celle de Thomas Jefferson » au début du XIXe siècle.

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