Le siège de l'Internet Search Agency, à Saint Petersbourg. © Printscreen/New York Times Magazine

Au coeur de l’agence internet de désinformation russe qui veut créer le chaos aux USA

Caroline Lallemand
Caroline Lallemand Journaliste

Le New York Times Magazine publie un reportage d’investigation au long court sur l’Internet Search Agency, cette agence de désinformation russe dont les pratiques interpellent. Basée à Saint Petersbourg, l’agence emploie des centaines de jeunes collaborateurs qui travaillent au quotidien à répandre la propagande pro-russe sur Internet, et notamment à travers de fausses informations.

Les manigances de cette agence de propagande avaient déjà été dévoilées 2014 par un réseau de hackeurs qui avait publié plusieurs comptes de ses membres anglophones. Le journaliste du New York Times, Adrian Chen, a désiré aller plus loin dans l’investigation. Selon ses informations, les journalistes spécialisés de l’Internet Research Agency (ils seraient des centaines) aussi surnommée « usine à trolls professionnels », rédigent 12 heures par jour pour tous les « réseaux sociaux populaires ». Ils inondent la Toile d’articles pro-russes et pro-Poutine et de commentaires anti-Obama sur les sites des médias américains.

Le reporter entend aussi montrer que cet organisme va beaucoup plus loin que la propagande traditionnelle. Ses professionnels de la désinformation font ainsi circuler des fausses informations extrêmement bien documentées afin de semer le chaos et la confusion, notamment aux États-Unis, relate Slate.fr.

Le dernier fait d’arme le plus bluffant de l’Internet Search Agency : avoir simulé une attaque dans une usine pétrochimique en Louisiane le 11 septembre dernier, attaque soi-disant revendiquée par l’Etat islamique. Des dizaines de journalistes, de groupes de média et d’acteurs politiques avaient alors découvert leur compte Twitter inondé de centaines de messages relatant la prétendue catastrophe. Une capture d’écran de CNN diffusait même des images de l’explosion, tout comme une page Wikipedia créée de toutes pièces qui commentait l’évènement. Mais en surfant sur CNN.com, aucune trace de l’attaque spectaculaire. Car tout était faux: les vidéos, les photos, les faux sites de médias américains dupliqués…

Semer le chaos et la confusion

Autre coup monté: en décembre de la même année, les comptes Twitter qui avaient été à l’origine de l’hoax de l’attaque chimique commencent à répandre un cas de contamination du virus Ebola à Atlanta, en pleine psychose aux USA. Même modus operandi : un hashtag créé de toutes pièces #EbolaInAtlanta, de faux flashs d’infos, une fausse vidéo filmée à l’aéroport d’Atlanta qui piège plus d’un internaute.

Une des sources du journaliste américain est une ancienne collaboratrice de l’agence, Ludmila Savchuk, qui a fait fuiter son fonctionnement interne à un quotidien local avant de démissionner et de quitter la Russie. « Ils créent une telle ambiance que les collaborateurs pensent qu’ils font quelque chose de très important et secret, et très bien payé« , a expliqué Savchuk au reporter du NYT, mais « ils n’expliquent pas clairement le but de ce travail ».

Les activités des « trolls » ne se limitent pas à Internet: l’agence est également liée à une exposition photo pro-Assad et pro-russe à New York intitulée Material Evidence. Les mêmes faux comptes qui avaient alerté sur l’explosion chimique faisaient la promotion de cet évènement. Plusieurs médias russes soupçonnent l’oligarque Evgeny Prigozhin d’être derrière l’agence, ce dernier est aussi surnommé dans la presse indépendante le « chef du Kremlin » de par ses contrats lucratifs avec le gouvernement et sa proximité avec Poutine.

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