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Attentats : « 2015 a été difficile, je crains que 2016 ne soit terrible »

Le Vif

Les attentats de Bruxelles montrent que les réseaux du groupe Etat islamique (EI) en Belgique, mais aussi dans le reste de l’Europe, restent capables de monter des opérations meurtrières d’ampleur, quelle que soit la pression policière à laquelle ils sont soumis, estiment experts et responsables.

« 2015 a été difficile, je crains que 2016 ne soit terrible », confie à l’AFP un responsable français de la lutte antiterroriste, qui demande à rester anonyme. « Plus l’EI perdra du terrain en Syrie, plus il s’exportera. C’est ce qui s’est passé avec Al-Qaïda. Le califat va devenir un concept qui s’exporte, de moins en moins une réalité » sur le terrain au Moyen-Orient.

Sur son écran de télévision, dans son bureau, les images d’une bouche de métro fumante et de l’aéroport dévasté de Bruxelles, siège de l’Union européenne et de l’Otan, symboles de puissance occidentale.

« Les attaques de Bruxelles sont clairement une vengeance » après une vague d’arrestations, dit-il. « Elles prouvent qu’ils ont des hommes prêts à tout moment à des opérations kamikazes, avec des armes, des explosifs ». « Leur message, c’est: +Nous sommes toujours là, vous ne pourrez pas nous arrêter+ ».

« En France, mais aussi en Europe, il y a du souci à se faire », ajoute-t-il. « Nous allons subir une vague de terrorisme très puissante, qu’on ne pourra enrayer que partiellement. On attrapera certaines équipes, il n’y a jamais eu autant d’arrestations, mais on ne pourra pas les avoir tous. C’est impossible. Nous sommes submergés ».

Mardi après-midi, l’agence de presse Aamaq, liée à l’EI, a affirmé que « des combattants de l’État islamique avaient mené une série d’attentats à l’aide de ceintures et d’engins explosifs mardi, prenant pour cible un aéroport et une station de métro dans le centre de la capitale belge Bruxelles, un pays participant à la coalition internationale » engagée contre le groupe jihadiste au Moyen-Orient.

La vague récente d’arrestations en Belgique, dans le cadre de l’enquête sur les attentats de Paris en novembre (130 morts), a permis de démanteler une partie du réseau envoyé de Syrie par l’EI, mais certains suspects sont encore en fuite.

Pour Thomas Hegghammer, expert au sein du Norvegian Defense Research Establishment, les attentats de Bruxelles « prouvent qu’ils étaient prêts. Personne ne peut monter une opération de ce type en 48 heures (…) En admettant que ces attaques sont plus ou moins liées à celles de Paris, c’est la première fois qu’un même réseau est capable de frapper deux fois de façon aussi importante ».

‘Personne ne sait faire’

Avant de mourir, le chef présumé du commando qui a frappé Paris, Abdelhamid Abaaoud, avait confié à des proches qu’il était entré en France « sans documents officiels », accompagné de 90 hommes – « des Syriens, des Irakiens, des Français, des Allemands, des Anglais ». Il avait aussi prédit d’autres attentats, « encore pires ».

« Il faut prendre cette affirmation au sérieux, ça fait un bon moment qu’on le sait », affirme le même haut responsable français. « Les critiques contre la police belge sont injustifiées: ils bossent bien, mais ils sont submergés sous le nombre, comme tous leurs collègues européens. Nous allons tous subir notre lot d’attaques, j’en ai peur ».

Face à des jihadistes à ce point déterminés, qui grâce à cinq ans de guerre en Syrie et en Irak maîtrisent désormais le maniement des armes de guerre et la fabrication d’explosifs artisanaux mais très puissants, les parades existent mais montrent vite leurs limites, ajoute-t-il.

« Le plus inquiétant », dit-il, « c’est que les attentats de mardi prouvent qu’ils ont les kamikazes mobilisables immédiatement. Contre ça, on ne peut rien faire. Personne ne sait faire. Même les patrouilles de soldats, ça ne suffit pas. Ou alors c’est le coup de chance: un gars avec un sac, on ne le sent pas, on le contrôle, bingo. Mais dans un aéroport à une heure de pointe, vous imaginez, c’est impossible. Et si vous placez les contrôles de bagages à l’entrée de l’aérogare, vous créez des files d’attente à l’extérieur, cibles idéales, c’est encore pire ».

Avec des milliers de volontaires partis grossir les rangs de l’EI et des centaines déjà rentrés dans leurs pays d’origine, parfois en toute discrétion, les polices et services de renseignement européens font face à une menace inédite, à laquelle ils cherchent toujours la réponse.

« C’est une question de réseaux, et là ils sont forts », estime Thomas Hegghammer. « Aujourd’hui, c’est arrivé en Belgique, mais la même chose pourrait se passer ailleurs. Il ne faut surtout pas croire qu’il s’agit d’un problème belge… »

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