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Attaque chimique en Syrie: réactions outrées, Damas montré du doigt

Un acte « grave » et « inhumain » dont les auteurs devront « rendre des comptes »: l’attaque « chimique » meurtrière de mardi en Syrie a provoqué des réactions outrées, notamment à Londres, Bruxelles, Paris et Washington qui ont mis en cause le régime de Damas.

Le bilan de l’attaque s’est alourdi en cours de journée, passant de 58 à au moins 65 tués. Soixante-cinq personnes ont été tuées « par suffocation » et 350 autres ont été victimes d’asphyxie, rapporte l’Union des Organisations de Secours et Soins Médicaux (UOSSM). « Le bilan ne cesse de s’aggraver alors que les attaques continuent de se poursuivre dans la région d’Idleb et Hama », indique l’organisation basée à Paris, dans un communiqué.

« Il y a moins d’une heure, le centre des casques blancs de Khan Cheikhoun, ainsi que l’hôpital Al-Rahme ont été aussi touchés par une attaque chimique », ajoute-t-elle. « On recense plus d’une quarantaine d’attaques depuis 6h30. » Le précédent bilan, fourni par l’Observatoire syrien des droits de l’homme (OSDH) et des médecins présents dans cette zone tenue par les rebelles, faisait état d’au moins 58 morts, dont onze enfants de moins de huit ans.

L’envoyé spécial des Nations unies pour la Syrie Staffan de Mistura a assuré que l’ONU chercherait à « clairement identifier les responsabilités » et à faire « rendre des comptes » aux auteurs de cette attaque « chimique aérienne ».

L’opposition syrienne a appelé le Conseil de sécurité de l’ONU à ouvrir une « enquête immédiate » sur cette attaque perpétrée selon elle par le « régime du criminel Bachar » al-Assad avec des « obus » contenant du « gaz toxique ».

Le négociateur en chef de l’opposition, Mohammad Sabra, a dénoncé un « crime » qui « remet en cause l’ensemble du processus de paix » entre opposition et gouvernement, qui se réunissent régulièrement pour tenter de mettre fin à ce conflit qui a fait plus de 320.000 morts et des millions d’exilés.

L’armée syrienne « dément catégoriquement »

L’armée syrienne a démenti toute implication dans l’attaque chimique présumée qui a tué mardi des dizaines de personnes.

« Le commandement de l’armée dément catégoriquement avoir utilisé toute substance chimique ou toxique à Khan Cheikhoun aujourd’hui (mardi) », a indiqué l’armée dans un communiqué publié par l’agence officielle Sana.

Le document ajoute que l’armée syrienne « n’en a jamais utilisé, à aucun moment, à aucun endroit et ne le fera pas dans l’avenir ».

En réagissant à cette attaque chimique présumée, des pays comme les Etats-Unis, la France et la Grande-Bretagne ont pointé du doigt le régime de Bachar al-Assad. Mais l’armée syrienne a assuré mardi que les rebelles étaient responsables de la tragédie. « Les groupes terroristes et ceux qui les soutiennent sont responsables d’avoir utilisé des substances chimiques et toxiques et d’avoir été négligents avec les vies de civils innocents », a-t-elle indiqué dans son communiqué.

Accuser le régime syrien d’avoir perpétré cette attaque est « une « calomnie », a officieusement réagi Damas par la voix d’un haut responsable de ses services de sécurité. Les insurgés « tentent de remporter une (victoire) médiatique après avoir échoué à remporter (une victoire) sur le terrain », a-t-il déclaré sous le couvert de l’anonymat.

La chef de la diplomatie européenne, Federica Mogherini, a elle aussi mis en cause Damas: « La principale responsabilité repose sur le régime parce qu’il a la responsabilité de protéger son peuple et non de l’attaquer ».

Ces « nouvelles horribles » sont « un rappel tragique que la situation sur le terrain continue d’être dramatique dans de nombreuses parties de la Syrie », a-t-elle ajouté. « Si nous ne pouvons pas encore être certains de ce qui s’est passé, cela a toutes les caractéristiques d’une attaque du régime qui a utilisé de façon répétée des armes chimiques », a réagi le ministre britannique des Affaires étrangères Boris Johnson, jugeant « horribles » les rapports détaillant cette attaque. « Une enquête doit avoir lieu sur l’incident et les auteurs doivent rendre des comptes », a-t-il ajouté dans un communiqué.

Bachar al-Assad responsable du « massacre »

Le président français François Hollande a lui aussi évoqué « la responsabilité » du président syrien Bachar al-Assad dans ce « massacre ». Il a également pointé « la complicité » et « la responsabilité morale » des « alliés » du président syrien, sans citer de pays. « Comme à la Ghouta le 21 août 2013 Bachar al-Assad s’en prend à des civils en utilisant des moyens bannis par la communauté internationale.

Une fois encore le régime syrien va nier l’évidence de sa responsabilité dans ce massacre », a dit M. Hollande selon un communiqué des services de la présidence. Son ministre des Affaires étrangères, Jean-Marc Ayrault, a par ailleurs « demandé la convocation d’une réunion d’urgence du Conseil de sécurité de l’ONU après cette « nouvelle attaque chimique particulièrement grave ».

Le président turc Recep Tayyip Erdogan a dénoncé cette attaque « chimique (…) inhumaine » qui menace selon lui le processus de paix d’Astana entre Damas et les rebelles sous l’égide de la Russie et de l’Iran, lors d’un entretien téléphonique avec son homologue russe Vladimir Poutine, selon ses services. « Il s’agit d’un crime contre l’humanité, qui doit être puni », a déclaré son ministre des Affaires étrangères, Mevlüt Cavusoglu.

L’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) s’est dit « gravement préoccupée » par cette « attaque présumée aux armes chimiques », précisant qu’elle était en train de « rassembler et analyser des informations de toutes les sources disponibles ». Aux Etats-Unis, ni la Maison Blanche ni le département d’Etat n’avaient officiellement réagi mardi en milieu de matinée à l’attaque. Mais des élus du Congrès américain appelaient le président Donald Trump à réagir fermement contre le régime de Bachar al-Assad après cette attaque.

La Commission d’enquête indépendante de l’ONU sur la Syrie mène des investigations

La Commission d’enquête indépendante de l’ONU sur la Syrie mène des investigations sur cette attaque meurtrière. Elle a dénoncé à Genève ces violences « dans les termes les plus forts ».

La Commission veut notamment clarifier s’il y a eu recours ou non à des armes chimiques. Elle souhaite aussi se prononcer sur le bombardement présumé d’un centre de santé qui a suivi les premiers bombardements. Si elles se confirment, ces deux attaques constitueraient des crimes de guerre, affirme la Commission. Elle appelle à identifier et poursuivre les responsables.

Washington condamne un acte « intolérable » du régime Assad

La Maison Blanche a dénoncé mardi en fin d’après-midi avec force « l’attaque chimique » menée selon elle par le régime de Bachar al-Assad sur une ville rebelle, jugeant qu’elle était « intolérable ». Elle s’en est également pris à l’ancien président américain Barack Obama, dont elle pointe l’administration pour ne pas avoir réussi à agir davantage pour prévenir de telles attaques par le gouvernement syrien.

« L’attaque chimique perpétrée aujourd’hui en Syrie contre des innocents, y compris des femmes et des enfants, est répréhensible », a déclaré Sean Spicer, porte-parole de Donald Trump, dénonçant « un acte odieux » du régime Assad. « Cet acte odieux du régime de Bachar al-Assad est la conséquence de la faiblesse et du manque de détermination de l’administration précédente », a-t-il ajouté.

« Les Etats-Unis sont aux côtés de leurs alliés à travers le monde pour dénoncer cette attaque intolérable », a-t-il ajouté. Jugeant qu’il serait « dans l’intérêt » des Syriens que Bachar al-Assad ne soit pas au pouvoir, le porte-parole de la Maison Blanche a cependant estimé qu’il n’existait à ce stade aucune véritable option pour un changement de régime.

« Une ligne rouge a été franchie » avec l’attaque chimique

Le ministre de la Coopération au développement, Alexander De Croo (Open Vld), a condamné mardi l’attaque au gaz toxique perpétrée en Syrie. « Le recours à des armes chimiques constitue le franchissement d’une ligne rouge », a-t-il estimé après une rencontre avec le coordonnateur des secours d’urgence des Nations Unies, Stephen O’Brien, en marge de la conférence sur l’avenir de la Syrie à Bruxelles.

Une conférence de deux jours sur ce pays du Moyen-Orient s’est ouverte ce même jour à Bruxelles, où des représentants d’une septantaine de pays et d’organisations internationales discutent de l’aide humanitaire et de l’avenir du pays. Le ministre De Croo espère que des étapes concrètes seront franchies lors de cette réunion. La Belgique reste convaincue qu’un « processus de paix crédible ne peut être atteint tant qu’Assad restera au pouvoir », a-t-il rappelé. Après son entretien avec Stephen O’Brien, M. De Croo a rencontré le nouveau secrétaire général de l’ONU, le Portugais Antonio Guterres. « Je suis heureux que nous avons pu avoir une discussion bilatérale si rapidement », a commenté le libéral flamand. « La Belgique a toujours été supportrice de la coopération internationale et des Nations Unies. Antonio Guterres a plaidé pour une ONU plus énergique, et se consacrant davantage à la prévention. Une option à laquelle nous adhérons », a-t-il ajouté.

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