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Afghanistan : vers l’émancipation des femmes ?

Stagiaire Le Vif

Dans la République islamique d’Afghanistan, les moeurs semblent légèrement évoluer en faveur des femmes. Lentement mais surement ?

Le 8 mars dernier, des hommes afghans sont descendus dans les rues de Kaboul vêtus de burqas bleues et munis de pancartes annonçant : « Nous disons NON à toute forme de violence ». Vingt-quatre heures auparavant, une jeune artiste, habillée d’une armure en fer, déambulait dans un quartier peuplé de cette même ville. Dans une société ô combien patriarcale, l’union des sexes autour de la cause féminine n’est pas anodine. Aujourd’hui, cela bouge (un peu) en Afghanistan, comme en témoigne, notamment, le documentaire Afghan Cycles : en 2015, certaines femmes afghanes roulent à vélo, un acte pourtant jugé immoral dans ce pays.

« Je ne pouvais pas y croire », raconte au New York Times la réalisatrice, Shannon Galpin.« J’étais allée dans les zones les plus libérales du pays, et jamais je n’avais vu de petite fille sur un vélo, et encore moins une femme adulte. Malgré le danger, elles savent que le seul moyen de contester et de briser le tabou, c’est d’être vues en train de faire du vélo. » D’où l’idée d’Afghan Cycles, sorti en 2013. Désormais, l’Afghanistan dispose de 45 licences de cyclisme féminin, rapporte Vox Stadium. Le mouvement semble en pleine croissance et l’équipe nationale n’est plus la seule à oses monter en selle : il existe de petites équipes de club, formées à Kaboul ou dans la campagne environnante.

Burqa : business en déclin

D’autres évolutions, qualifiées d’« inimaginables » par une membre de Young Women for Change, voient également le jour. Ainsi, dimanche dernier, la BBC publiait la photo d’une Afghane chauffeur de taxi, « un rôle presque exclusivement réservé aux hommes ».

Par ailleurs, l’agence Associated Press a fait état de plusieurs faillites de commerces de burqas. L’industrie de la tchadri (synonyme de burqa en afghan) est effectivement en déclin, suite à la baisse de la demande « chez les jeunes femmes, qui sont de plus en plus scolarisées et prennent des emplois de bureau ».

Un combat loin d’être gagné

Doit-on s’attendre à ce que ces améliorations provoquent, à terme, un changement radical ? Rien n’est moins sûr, selon Chébéka Hachemi, première femme à avoir été diplomate en Afghanistan, en 2001. « Avec la guerre, il n’y a pas la stabilité nécessaire pour que l’on avance », explique-t-elle à Libération. « De plus, le combat des femmes n’y est pas une priorité. On tend même à revenir sur leurs acquis, parce qu’ils pensent qu’on en a donné trop. J’ai vraiment peur pour leur avenir. »

Chassés du pouvoir en 2001, les talibans exercent encore beaucoup d’influence dans de nombreuses régions. L’ex-président, Hamid Karzaï, avait d’ailleurs profité de la fin de son mandat pour fait passer de nouvelles lois contre les femmes afin de plaire à aux groupes fondamentalistes, rappelle Chébéka Hachemi.

Une révolution des moeurs parait donc compliquée, d’autant que les mentalités du peuple n’évoluent pas toujours dans le même sens. Kubra Khademi, l’artiste qui était sortie en armure dans les rues, peut en témoigner : insultée et ruée de coups, elle avait du s’enfuir en taxi au bout de huit minutes seulement. (A.V.)

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