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L’étrange histoire d’une Espagnole propriétaire du Soleil

Stagiaire Le Vif

Une Espagnole a vendu des parcelles de Soleil sur eBay, jusqu’à ce que le site bloque son compte, jugeant ces enchères illégales. Avant elle, un Américain avait décidé de monnayer des hectares lunaires à 24 dollars chacun. Illuminés ou opportunistes ? Découverte d’un business haut perché.

Femme au foyer, Angeles Duran habite Salvaterra de Miño, dans le nord-ouest de l’Espagne. Le 25 avril prochain, elle descendra à Madrid pour y défendre le droit de marchander sa propriété : le Soleil. « Je vendais, sur eBay, des parcelles solaires à 1 € le mètre carré. Les acheteurs voyaient ça comme un investissement futur », exposait-elle alors à Vice. Un business qui a tourné court, puisque l’entreprise américaine a rapidement bloqué son compte. « Ils déclarent mes ventes illégales, car je vends quelque chose qu’on ne peut pas toucher. Mais c’est faux : le Soleil existe, il est tangible. En plus, ils ont touché la commission sur mes ventes », s’est-elle défendue au magazine français Society.

« Je suis la propriétaire du Soleil »

Pour Angeles Duran, tout commence en septembre 2010, lorsqu’elle se présente chez un notaire, à O Porriño, afin de dresser un acte notarié la déclarant officiellement propriétaire du Soleil. Une combine étonnante, mais légale, assure la quadragénaire. « Il existe une convention internationale interdisant aux pays d’être propriétaires des planètes. Cette convention ne concerne toutefois pas les particuliers (en effet, un traité international de 1967 interdit toute appropriation de la Lune par un pays tandis qu’un second, rédigé en 1980, qui prohibait explicitement la vente de terrain aux ONG, entreprises et particuliers, n’a en fait été ratifié que par 12 pays, dont la Belgique, NDLR). En cinq milliards d’années, personne ne s’était encore manifesté. » Une occasion à saisir, donc.

Interdite de vente publique au moins jusqu’au verdict du procès, elle compte maintenant sur les entreprises pour renflouer son portefeuille.  » Elles doivent payer en fonction du nombre de panneaux solaires qu’elles ont. Je demande 1 € pour chaque panneau solaire. Elles ont besoin d’une permission du gouvernement pour installer un panneau solaire, et ces permissions sont mon seul moyen de me tenir au courant. Si elles refusent de payer, je porte plainte. Les entreprises doivent payer », explique-t-elle. L’Espagnole ne donne aucun chiffre quant à la réussite, ou non, de ces pratiques. Mais, selon Vice, elle serait devenue  » nettement plus riche ».

Attention toutefois à ne pas se méprendre : si Angeles agit de la sorte, c’est, d’après elle, pour le bien commun. « Je veux partager ce fric avec tout le monde. J’ai offert 90 % de mes profits à tous les gouvernements, afin qu’ils les réinvestissent pour soutenir les gens qui ont une faible retraite, permettre aux jeunes défavorisés de faire des études et donner des fonds pour la recherche médicale », annonce-t-elle.

George W. Bush aurait acheté un morceau de Lune

Une philosophie que ne partage manifestement pas son « voisin » de l’espace, un certain Dennis M. Hope, propriétaire de Vénus, Mars, Jupiter et de la Lune. Depuis le milieu des années 80, cet Américain s’enrichit en vendant des parcelles lunaires, via son « agence immobilière » Lunar Embassy. Le prix, à l’unité : 24 dollars, « taxe lunaire » comprise. Il aurait aujourd’hui vendu plus de 400 millions et demi d’hectares, pour 3,7 millions de clients éparpillés dans 193 pays, si l’on en croit ses déclarations dans « The Man Man Who Sells The Moon », un documentaire sur sa personne réalisé par le New York Times.

Dennis Hope va même plus loin dans ses affirmations : les présidents républicains George W. Bush et Ronald Reagan feraient partie des acquéreurs. De l’argent perdu ? Il semblerait que oui.

« Une pure escroquerie »

« Ce genre de pratique n’est que pure escroquerie », préviennent en choeur l’European Centre for Space Law (ECSL), le Centre européen de droit spatial et l’Agence spatiale européenne (ESA). La propriété extraterrestre n’est effectivement reconnue par aucune autorité et ce genre de prétention immobilière n’a jamais été validé par la justice.

Les experts des Nations unies considèrent par ailleurs que le statut de la Lune correspond au concept légal de « res communis », c’est-à-dire que chacun la détient « collectivement ». En outre, en cas de découverte de terres inconnues, il ne suffit pas d’en revendiquer la propriété pour l’acquérir, le présumé propriétaire devant prouver son intention de l’occuper. Ce qui, quel que soit l’astre en question, est actuellement impossible.

Malgré tout, Lunar Embassy continue de faire le plein. Angeles Duran, elle, reste confiante sur ses chances de poursuivre dans le business solaire une fois son procès terminé : « J’ai des documents, des déclarations de clients, etc. eBay a beau être un géant, David a bien démoli Goliath ! Je veux qu’on se souvienne de moi comme de quelqu’un qui aura fait quelque chose pour l’humanité. Comme Jeanne d’Arc ou Marie Curie », a-t-elle affirmé. (A.V.)

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