Humour ou effroi ?

Avez-vous déjà rencontré l’homme banane ? Un géant de plus de deux mètres dont le corps en polystyrène, de la tête aux pieds est fait de bananes assemblées qui aurait tendance à faire sourire.

Il nous domine mais semble fragile. Dans la valise transparente qu’il tient sous le bras, on découvre son trésor : une suite de rondelles de bananes enfilées à égales distances sur de longues tiges de métal. Mais très vite, le ton change. D’autres pièces, dans l’apparence du plâtre blanc, fixent, sur une identique structure de personnage debout, des éléments de moulage de mains qui envahissent le corps et parfois phagocyte la tête. Entre ces éléments, une gestuelle dévastatrice racle et creuse le volume de l’abdomen, du thorax et des jambes transformant ainsi l’anatomie en une vision catastrophe habitée par un tempo tellurique. La pièce la plus spectaculaire et la plus monumentale explicite davantage le propos. Au moulage s’est substitué l’inclusion de véritables objets de nature : noix de coco, fruit exotique, pierres cristallines, fourrures…

Du fait de ce foisonnement éparpillé, on ne peut, comme on le ferait pour une figure de Rodin par exemple, percevoir l’ensemble mais, « éprouver, comme dans la nature, explique l’artiste, David Altmejd (né en 1974), l’expérience d’une succession de détails dont la somme qui en résulte procure l’impression d’une certaine grandeur ». C’est que l’artiste canadien basé à New-York depuis ses dix huit ans est biologiste de formation. Ses oeuvres aimeraient ainsi traduire la complexité du naturel, la vie de ses surfaces autant que des ses abîmes internes. D’où aussi, à la surface des sculptures, la présence de trous, fissures et petits gouffres qui laissent apparaître, mais à peine, une structure interne aussi mystérieuse qu’inquiétante. Au XVIe siècle hanté par le doute, des peintres avaient imaginé des hommes-paysages. Altmejd appartient à la même famille.

Guy Gilsoul

Bruxelles, Galerie Hufkens. 6-8 rue Saint-Georges. Jusqu’au 20 mars. www.xavierhufkens.com