© Capture d'écran YouTube

Quand le commandant Cousteau faisait « chier » toute la faune marine

Muriel Lefevre

Encensé lors de sa sortie, Le Monde du silence avec le commandant Cousteau ne serait pourtant qu’un « film d’abrutis naïvement dégueulasse » selon Gérard Mordillat, écrivain et cinéaste. C’est vrai qu’on y voit l’équipe du Calypso hacher menu des cachalots, exploser des récifs de corail à la dynamite, faire du rodéo sur des tortues ou encore tuer un requin à coup de pelle.

Dans l’émission Là-bas si j’y suis du 23 juin, Gérard Mordillat, romancier et cinéaste, se lance dans une critique acerbe du Monde du silence.


Le Monde du silence, un film naïvement… par tuxboard

Ce documentaire océanographique réalisé par Louis Malle met en scène l’équipe du commandant Cousteau à bord du Calypso lors d’une mission sous-marine. Il fut couronné par la palme d’or à Cannes en 1956, le Prix Méliès et l’oscar du documentaire l’année suivante. Encensé à l’époque de sa sortie et devenu culte depuis, ce film aurait pourtant tout d' »un véritable carnage de la faune marine filmé par une bande d’abrutis » si l’on en croit Mordillat. A coup de morceaux choisis, il torpille ce qui jusqu’il y a peu était considéré comme l’un des pionniers du documentaire. « C’est une horreur, c’est répugnant, c’est quelque chose d’insupportable », s’insurge-t-il. Cachalots heurtés, voire tués par les scientifiques, tortues terrestres chevauchées, requins achevés à coups de pelle… Le tout savamment filmé par la caméra de Louis Malle. L’équipe de douze plongeurs du Commandant Cousteau fait « chier les poissons », lâche Mordillat. On y voit aussi l’explosion d’un récif à la dynamite qui va tuer un millier de poissons, « C’est un acte de vandalisme », admet Cousteau en voix off, « mais c’est la seule méthode qui permette de faire le recensement de toutes les espèces vivantes ». Et l’écrivain de s’exclamer: « c’était réellement prophétique Le Monde du silence parce c’est bien le silence qui couvre aujourd’hui cette destruction massive de récifs de corail, l’extermination des animaux marins, la chasse, la pollution, le cynisme de tous les gouvernements au nom de la science, de la recherche et du profit. Des films honteux comme ça et ignobles, quand on les revoit aujourd’hui, on se dit qu’on a été aveugles. . »

« Epouvantablement naïfs »

« A l’époque, nous étions certes épouvantablement naïfs, mais Cousteau a ouvert la mer et il est devenu protecteur de la nature », affirme François Sarano, océanographe et compagnon du Commandant durant treize ans dans l’Express. Le scientifique tente de nuancer. « Il est nécessaire de remettre le film dans son contexte: notre planète comptait 2,7 milliards d’habitants, la mer était une donnée inconnue, et à nos yeux, elle représentait une corne d’abondance inépuisable », soutient le chercheur. Il assure aussi que les méthodes destructrices de l’environnement, notamment employées par l’équipe de Jacques-Yves Cousteau, sont toujours utilisées. « Lorsqu’un scientifique souhaite découvrir une espèce, il effectue un prélèvement, il est donc obligé de tuer l’animal », explique l’océanographe. Le scientifique garantit que les chercheurs ne recourent plus à la dynamite, mais au poison pour poursuivre leurs recherches sous les mers. « Nous sommes dans le consciemment dégueulasse. La communauté scientifique comprend qu’un animal ne se définit pas seulement par sa morphologie, mais également par sa manière d’interagir avec son environnement » indique celui qui a également participé à la réalisation du film Océans (2009) avec Jacques Perrin.

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