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Macédoine: menaces sur Ohrid, le plus vieux lac d’Europe

Le Vif

Un bateau glisse doucement sur l’eau transparente du lac d’Ohrid, dont les écologistes redoutent le sacrifice sur l’autel du tourisme: une station de ski, une route et une marina menacent le plus vieux lac d’Europe, à la frontière entre l’Albanie et la Macédoine.

Classée au patrimoine mondial de l’Unesco, la région d’Ohrid abrite des milliers d’espèces végétales et animales, dont 200 qu’on ne trouve nulle part ailleurs.

Une diversité menacée, selon les défenseurs de l’environnement, par une série de projets destinés à développer l’infrastructure touristique dans et à proximité immédiate du parc national de Galicica: une station de ski, mais aussi une marina sur le lac, des immeubles touristiques, et une route que la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD) envisage de co-financer.

Des projets qui menacent 50 hectares de marais essentiels pour filtrer l’eau d’un lac vieux de trois millions d’années, affirment les militants de la défense de l’environnement. Si ces infrastructures sont créées, « on pourra dire adieu au site classé au patrimoine de l’Unesco », prévient Aleksandra Bujaroska, une avocate macédonienne spécialisée dans les questions d’environnement dans ce pays des Balkans.

Elle et d’autres militants ont créé l’association « Front 21/42 », qui milite pour un moratoire portant sur des projets qu’ils considèrent comme « destructeurs ». « Le gros problème dans toute cette procédure, c’est la constante violation du droit au public à participer » à la prise de décision, s’inquiète l’avocate, qui a grandi à Ohrid.

Une trentaine de sites seulement sont classés au patrimoine de l’Unesco à la fois pour leurs richesses culturelle et naturelle. Ohrid est l’un d’entre eux, depuis plus de 35 ans. Autant que la flore, on y vient pour admirer les icônes byzantines, les fresques et les églises.

Mais lors de sa dernière réunion annuelle, en 2016, le Comité du patrimoine mondial s’est inquiété « du grand nombre de projets d’infrastructure de large envergure proposés » par la Macédoine. La partie classée du lac est celle située en Macédoine — ce qui représente les deux-tiers des 358 km2 de superficie du lac — et des efforts sont déployés pour que le tiers appartenant à l’Albanie soit lui aussi ajouté au patrimoine mondial.

Mais, a prévenu l’Unesco, c’est sur une autre liste que le lac pourrait se retrouver: celle « du patrimoine en danger ». Et de prévenir que tout site insuffisamment protégé perd son statut de patrimoine mondial.

« Nous sommes en contact étroit avec les autorités macédoniennes » à ce sujet, a indiqué à l’AFP Alexandra Fiebig, responsable du Centre du patrimoine de l’Unesco, précisant qu' »une mission d’observation » est prévue à Ohrid.

‘Agenda politique’

Parmi les projets controversés autour du lac d’Ohrid en Macédoine, certains sont gouvernementaux, d’autres relèvent des autorités locales.

Mais à Ohrid comme à Skopje, le pouvoir est détenu par le parti conservateur VMRO-DPMNE de Nikola Gruevski.

Ce parti, au pouvoir depuis 2006, est arrivé d’extrême justesse en tête des dernières législatives en décembre et s’emploie à trouver une majorité avec les partis de la minorité albanaise.

Le maire VMRO-DPMNE d’Ohrid, Nikola Bakraceski, affirme que les normes environnementales sont respectées dans tous les projets et accuse les militants d’avoir « un agenda politique ». Actuellement, sa priorité affichée est de réunir 54 millions d’euros afin de moderniser le réseau d’assainissement des eaux et des égouts, pour protéger le lac.

Au niveau national, le gouvernement a préparé « un plan d’action » pour la région d’Ohrid, a précisé Lidija Topuzovska, interlocutrice macédonienne auprès de l’Unesco, sans dévoiler plus de détails. « Nous voulons que soient respectées toutes les normes destinées à préserver les valeurs culturelles et naturelles de la région d’Ohrid », a-t-elle déclaré à l’AFP.

Une déclaration d’intention qui ne rassure pas SOS Ohrid, dont les militants luttent pour la préservation du marais de Studencista, le dernier existant sur le lac.

Nadezda Apostolova, originaire d’Ohrid et aujourd’hui professeure à l’université de Valence en Espagne, insiste sur l’importance de ce marais dans le filtrage de toute pollution et sur le danger qu’il y aurait à remplacer les arbres par du béton.

Les militants assurent ne pas être opposés à tout développement, mais exigent de la transparence afin d’assurer la protection de ce « joyau ». Sans celle-ci « tout développement est risqué », insiste Mme Apostolova.

AFP

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