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Le guaimaro, un « arbre magique » protecteur de la planète (en images)

Marie Gathon
Marie Gathon Journaliste Levif.be

« Sans arbres, il n’y a pas d’eau et sans eau, il n’y a pas d’arbre! Les gens coupent, brûlent pour cultiver, pour le bétail. Le bois se raréfie, les rivières s’assèchent », déplore Manuel Duran, 61 ans.

D’une main lasse, ce paysan ôte son chapeau de paille et essuie la sueur de son front, sous le soleil implacable de la forêt tropicale sèche de Dibulla, au pied des montagnes de la Sierra Nevada de Santa Marta (Guajira, nord-est).

A plus de 900 km de là, à Medellin, ville très affectée par la pollution, des experts du monde entier sont réunis au chevet de la planète: la Plate-forme intergouvernementale sur la biodiversité et les services écosystémiques (IPBES) va rendre les 23 et 26 mars son diagnostic sur l’état de la faune, de la flore et des sols.

Conscient des dégâts causés par une agriculture irraisonnée, Manuel Duran, qui est né dans les marais du fleuve Magdalena, au coeur du pays, mais a été déplacé par la guerre, s’intéresse à un programme de reboisement dont le guaimaro est emblématique.

« Le guaimaro est un arbre magique! », explique à l’AFP Daisy Tarrier, 39 ans, directrice d’Envol Vert, ONG franco-colombienne à l’origine du projet. Enthousiaste, elle en détaille les qualités et celles de son fruit, sorte de baie orangée riche en nutriments.

– Un arbre ancestral –

Le Brosimum alicastrum pousse du Mexique au Brésil. Selon les pays, il est appelé guaimaro, ramon, campeche, ojoche, mewu, etc. ou en français noyer maya. Pour cette civilisation pré-colombienne, il était aussi essentiel que le maïs, et le reste pour nombre d’indigènes. Mais beaucoup de paysans en ont oublié les qualités.

Afin de raviver un savoir précieux contre la malnutrition, Envol Vert organise des ateliers de cuisine: « le fruit contient autant de protéines que le lait, quatre fois plus de potassium que la banane, autant de fer que les épinards, quatre fois plus de magnésium que le haricot rouge », autre aliment de base en Amérique latine.

Cet arbre aux feuilles persistantes, qui équilibre les sols acides, solidifie dans la terre le CO2, responsable du réchauffement climatique. Il ne le relâche donc pas dans l’atmosphère quand il meurt, contrairement à la plupart des arbres.

Il s’élève jusqu’à 50 m et s’enracine aussi profondément dans le sol. Cela le rend résistant aux sécheresses comme aux ouragans. Le guaimaro peut même renaître de ses cendres après un incendie, tel le phénix.

« Cet arbre a une grande capacité de s’adapter à différents climats et peut supporter divers types de sols, d’humidité, d’altitude, de température (…) et de nombreux animaux s’alimentent de son fruit, ce qui en fait une espèce importante pour la conservation », souligne dans sa thèse la biologiste colombienne Monica Florez.

– Un phénix menacé –

Mais la convoitise pour son bois, qui fait des maisons et des meubles solides, les coupes pour l’élevage et les cultures extensives, ont failli en venir à bout. Sans oublier les plantations de coca, base de la cocaïne dont la Colombie est le premier producteur mondial.

« Nous sommes encore confrontés à un énorme défi lié au contrôle de la déforestation », admet le ministre de l’Environnement et du Développement durable, Luis Gilberto Murillo, bien que le fléau ait diminué, de plus de 282.000 ha en 2010 à 170.000 ha déboisés en 2017.

En travaillant avec quelque 190 familles, dont 87 du hameau de Santa Rita de la Sierra, près de Dibulla, Envol Vert a depuis 2011 planté plus de 30.000 arbres d’une vingtaine d’espèces, dont 6.000 guaimaros. Les pépinières collectives sont confiées aux habitants, qui transfèrent ensuite les arbres sur leurs parcelles.

« J’ai toujours beaucoup aimé le guaimaro parce qu’il donne de l’ombre et quand ses feuilles tombent, le bétail les mange. Ses racines renforcent le sol, conservent l’humidité et ses fruits sont bons », explique Maria Alarcon, 64 ans.

Vivant une centaine d’années, un guaimaro donne 180 kg de fruits en mars-avril. Ils se consomment frais et en jus, en soupe et en purée comme la patate. Mais aussi grillés, puis moulus pour une infusion au goût de café chocolaté. Des indigènes en tirent des remèdes contre l’asthme, l’anémie, les rhumatismes.

« Mais il va falloir planter beaucoup pour remplacer tous les arbres qui ont été perdus », avertit Maria Alarcon, les mains dans la terre.

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