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Des haricots magiques pour défier la sécheresse

Le Vif

« Ces haricots sont miraculeux, ils parviennent à vaincre la sécheresse », se réjouit Manuel Cerén, agriculteur salvadorien heureux d’avoir cultivé des graines mises au point par des experts du Salvador, de Colombie et du Honduras pour résister aux effets du changement climatique.

A Quezaltepeque, village à 30 kilomètres au nord de San Salvador, Manuel et treize autres agriculteurs ont eux la chance d’être les premiers à tester cette nouvelle variété. Désormais, ils exposent l’abondante récolte de haricots cultivés sur une surface d’à peine 0,7 hectare, sous le regard incrédule des visiteurs de la ferme Colombia, où ils travaillent. « Nous avons fait très attention à cette première expérience avec ces haricots, qui ont subi 15 jours de sécheresse et deux tempêtes », raconte à l’AFP Baltazar Garcia, 45 ans, président de la ferme Colombia.

« Les autres nous traitaient de fous, mais aujourd’hui, beaucoup admirent le fruit de la récolte », se félicite-t-il. La variété de ce haricot rouge, également résistante au fléau du virus de la mosaïque dorée du haricot, a été minutieusement développée avec l’aide du Centre de technologie agricole (Centa) et baptisée Centa-EAC. La création du Centa-EAC a débuté dans les laboratoires du Centre international d’agriculture tropicale (Ciat) en Colombie puis à l’école panaméricaine El Zamorano au Honduras, où a été finalisée cette « hybridation », un processus de croisement naturel (il ne s’agit donc pas d’organismes génétiquement modifiés). Et c’est finalement au Salvador que l’on a planté la graine. L’expérimentation survient alors que cette année, la sécheresse prolongée impacte durablement les pays d’Amérique centrale, causant de lourdes pertes dans les campagnes du corridor sec, qui s’étend du Guatemala au Costa Rica et représente près de 30% de la surface de la région. En conséquence, 2,3 millions de petits agriculteurs centraméricains auront besoin d’aide alimentaire, a prévenu le Programme alimentaire mondial de l’ONU, le réchauffement climatique produisant non seulement des sécheresses mais aussi une prolifération des maladies pouvant détruire les cultures. C’est justement pour résister à ce fléau que, depuis 2005, des laborantins de la région effectuent des croisements de graines. Avec l’aide des paysans ils ont constaté qu’il est possible de mettre au point une agriculture adaptée aux conditions climatiques extrêmes.

Des ‘graines qui s’adaptent’

« Notre mission est de produire des graines résistantes au changement climatique, qui se traduit dans la région par des températures élevées, des sécheresses prolongées et des saisons de pluies plus violentes », explique Rolando Ventura, du Centa. Toute la région y réfléchit : au Guatemala, les chercheurs travaillent sur un haricot, le Icta-Chorti, qui non seulement résiste à la sécheresse mais est aussi riche en fer. Au Nicaragua, un autre institut prépare sa propre variété de haricot rouge, le Inta-Tomabu, capable de survivre au manque d’eau.

« Ici il ne pleut quasiment jamais. Nous avons réussi à cultiver le haricot Inta-Tomabu en ne l’arrosant qu’une fois tous les 12 jours, au compte-goutte. Je suis ravie de cette graine parce qu’elle s’adapte au climat local très sec », explique Candida Lazon, qui cultive cette variété sur sa parcelle.

Mais le haricot n’est pas le seul à être « adapté » pour résister au changement climatique.

Le Panama a été l’un des premiers pays de la région à travailler avec des variétés de maïs plus résistantes aux caprices du climat, développant notamment une nouvelle graine de maïs blanc et jaune. « Dans le cas du maïs, ce sont des grains compatibles aux températures élevées, de 35 à 36 degrés, et avec une tolérance à la sécheresse », explique à l’AFP José Alberto Yau, sous-directeur en charge des graines de l’Institut de recherche agricole (Idiap).

Au Salvador, les agriculteurs disposent de la variété de maïs Centa-Pasaquina. Mais malgré sa bonne résistance à la sécheresse, elle est boudée par les agriculteurs qui critiquent son faible rendement. Avec la Inta-Jinotega, le Nicaragua présente une graine de tomate à la « pollinisation libre », résistante à la virose, qui s’adapte aux changements de température, pouvant être semée même au-delà de 25 degrés. Au Costa Rica, c’est le cacao, graine essentielle pour l’économie régionale, qui est au coeur des investigations du Centre agronome tropical de recherches et d’enseignement (Catie), avec l’espoir là aussi de mettre au point une variété plus résistante.

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