Renard roux. Les goupils sont nombreux à Bruxelles, surtout en périphérie verte. © LRBPO

Bruxelles : quelle place pour la faune sauvage ?

Olivier Rogeau
Olivier Rogeau Journaliste au Vif

Renards, fouines et autres animaux sauvages ont élu domicile à Bruxelles, où la loi interdit de les chasser. Ont-ils leur place en ville ?

Appel urgent de la police d’Ixelles à Bruxelles-Environnement, il y a quelques jours. Un jeune renard est tombé dans une cour, à l’arrière d’un immeuble proche de la place Flagey. Empêtré dans les ronces, le goupil ne parvient pas à se dégager. Willy Van de Velde, garde forestier, se rend aussitôt sur place. Il parvient à attraper la boule de poils rousse, un mâle né au printemps dernier, qu’il relâchera en forêt de Soignes. Des interventions de ce type, l’agent technique des eaux et forêts en fait plus d’une quarantaine par an en Région bruxelloise, dont la moitié sont des captures ou récupérations de mammifères et d’oiseaux, et l’autre moitié des remises en liberté d’animaux sauvages recueillis et « retapés » dans un centre de revalidation de la capitale.

Chouettes, hiboux, chevreuils…

« La plupart des animaux que je secoure sont des renards, des chouettes hulottes et des hiboux moyen-ducs, indique Willy Van de Velde. Récemment, je me suis occupé, à Forest, d’une fouine complètement sonnée par une collision avec une voiture. »

Jeune Chouette hulotte, présente dans les grands parcs bruxellois et en forêt de Soignes.
Jeune Chouette hulotte, présente dans les grands parcs bruxellois et en forêt de Soignes. © LRBPO

A l’instar des renards, de nombreuses fouines ont élu domicile à Bruxelles, où elles hantent les greniers, mais aussi les voitures, avides de ronger les câbles sous le capot. Même les chevreuils de la forêt de Soignes s’aventurent parfois en centre-ville.

« Au total, j’en ai capturé cinq, signale le garde forestier, dont un sur le mini-golf d’Anderlecht ! Il avait passé deux nuits au Parc Astrid. Un autre se baladait au  »Carré de Moscou », derrière le Parvis de Saint-Gilles. Il venait de la forêt, sans doute via le Bois de la Cambre, situé à près de quatre kilomètres de l’endroit où on l’a trouvé ! »

Lérot et musaraigne aquatique en régression

La présence de plus en plus visible de la faune sauvage à Bruxelles n’étonne pas Alain Paquet, chargé de mission à Natagora pour le suivi de la biodiversité. « La nature est en évolution constante, prévient-il. Certaines espèces se portent mieux et se plaisent en ville, tels le renard et la fouine, grands prédateurs de rats et de souris. D’autres animaux sont en forte régression, comme le lérot, ce rongeur au look de bandit masqué, la musaraigne aquatique, l’écureuil roux et certaines espèces de chauve-souris. Le blaireau, lui, a beaucoup souffert des campagnes de gazage des renards mises en oeuvre à partir des années 1950, mais il réapparaît aux portes de la capitale. »

Sauvetage d’écureuils roux, de hérissons, de lapins…

La Ligue royale belge pour la protection des oiseaux gère un centre de revalidation à Anderlecht (le seul de la capitale), qui n’accueille pas que des oiseaux en détresse ou tombés du nid.

Une jeune fouine d'environ 25 jours nourrie au biberon. Cette espèce, grande prédatrice de rongeurs (rats...), est très présente à Bruxelles.
Une jeune fouine d’environ 25 jours nourrie au biberon. Cette espèce, grande prédatrice de rongeurs (rats…), est très présente à Bruxelles.© Pierre-Vincent Greuse/LRBPO

« Désormais, près de 15 % des animaux sauvages que nous recueillons sont des mammifères, constate Corentin Rousseau, directeur de la Ligue. Parmi eux, des renards, des écureuils, des lapins, des hérissons… Les uns ont été blessés ou assommés par un véhicule, d’autres sont des animaux égarés ou affaiblis.

Je viens de recevoir une petite fouine d’environ 25 jours, dont les yeux sont encore fermés. Elle est nourrie au biberon de lait toutes les deux heures ! »

La présence de sangliers, un danger ?

Les promeneurs sont surpris de rencontrer des sangliers en forêt de Soignes, où ces animaux sont arrivés discrètement au début de 2007, après nonante ans d’absence. Des parcs et quartiers de Bruxelles seront-ils un jour envahis par ces animaux, comme c’est le cas à Berlin ? Ne risquent-ils pas de provoquer de graves accidents de circulation (un mâle adulte pèse plus de 80 kilos) ? En réalité, la Région ne compte qu’une dizaine d’individus à peine, étroitement surveillés et contrôlés. Ont-ils été poussés vers le nord par la surpopulation de sangliers en Wallonie ? « Leur origine reste une énigme, répond Guy Rotsaert, du département biodiversité de Bruxelles-Environnement. « Nous nous attendions à un fort accroissement de cette population de sangliers, ce qui nous aurait contraint à intervenir, mais ce n’est pas le cas. »

Les faucons, bénédiction contre les pigeons

On observe aussi, en Région bruxelloise, plus d’une centaine d’oiseaux nicheurs indigènes, dont des éperviers et une dizaine de couples de faucons pèlerins. « Pour eux, la capitale présente l’avantage d’avoir de hauts édifices, comme la cathédrale Saint-Michel, au sommet desquels ils peuvent nicher et d’où ils partent à la chasse », remarque Corentin Rousseau, directeur de la Ligue royale belge pour la protection des oiseaux.

Un jeune faucon crécerelle. Cette espèce est présente localement à Bruxelles.
Un jeune faucon crécerelle. Cette espèce est présente localement à Bruxelles.© LRBPO

« Les faucons sont considérés comme une bénédiction, car ils se nourrissent notamment de pigeons, surabondants en ville, où ils font des dégâts, en particulier aux églises », signale Alain Paquet, de Natagora. »Des personnes qui ont installé des mangeoires pour nourrir des mésanges et des verdiers se plaignent parfois de la présence d’éperviers, qui attrapent ces petits oiseaux », constate Corentin Rousseau.

Plus de 10 000 perruches !

Par ailleurs, plus de 10 000 perruches à collier, animaux exotiques devenus indigènes, ont envahi des parcs, notamment à Koekelberg et à Uccle. « L’impact des espèces exotiques sur la biodiversité indigène est une question sujette à polémiques, reconnaît Alain Paquet. A ce stade, aucune étude n’a pu démontrer que la présence de ces perruches avait un effet négatif sur les autres espèces d’oiseaux cavernicoles, comme le pic, la sittelle ou le pigeon colombin. » Corentin Rousseau explique : « L’offre de cavités est abondante dans les parcs de Bruxelles, qui comptent beaucoup de vieux arbres. Il y a donc de la place pour tous les oiseaux. »

Le documentaire Bruxelles sauvage, faune capitale, consacré à ce sujet, sera diffusé le 5 avril à 13h30 sur la Une. Rediffusion le 10 avril à 22h20 sur la Trois. Quelques séquences du film seront commentées dans le Jardin Extraordinaire du 29 mars, à 20h15.

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