Christine Laurent

Vox populi, vox Dei

Christine Laurent Rédactrice en chef du Vif/L'Express

APRÈS LE NOEUD PAP’, LE SLIP DE BAIN ROUGE… Tout ça pour gagner un, deux, trois électeurs ? Prochaine étape, on retire le bas ?

Sacro-sainte communication qui vient désormais se substituer aux idées, aux débats, aux projets politiques. Rien moins qu’un cynisme pragmatique pour engranger des voix, encore des voix. Et dans cette spirale aussi incontrôlable qu’incontrôlée qui veut que la réalité soit remplacée par sa représentation, le réel par l’image, nul doute qu’Elio Di Rupo apparaît comme un professionnel redoutable. Entouré d’un staff puissant, maîtrisant avec brio l’art de la mise en scène de soi, il a su lustrer son profil pour mieux câliner l’électorat, occupant en permanence le devant de la scène, condamnant ses adversaires à se tasser dans la semi-obscurité. Il est fort, très fort. Parce que, bien avant les autres, il a tout capté.

Il a compris que l’air du temps est infantilisant. Que la communication-spectacle fragilise la perception des faits et conduit à nous détourner des sujets majeurs. Que désormais on consomme même le politique et que le politique consomme, lui aussi, l’électeur. Que ce qui intéresse d’abord le citoyen, de gauche comme de droite, c’est la préservation de son confort et de son statut. Que notre existence est de moins en moins régie par nos convictions personnelles et de plus en plus par nos émotions. Qu’aujourd’hui les programmes électoraux doivent être conçus davantage en fonction d’une clientèle que d’idéaux. Et que le PS devait se hisser en tête de gondole de cet immense supermarché.

365 jours de crise, 365 jours de com’ pour Di Rupo. Une com’ qui oscille entre le discours de fond et la théâtralisation, entre les déclarations solennelles et le show politique. Tout est dans l’art de la narration, le désormais célèbre story telling censé tenir l’électorat potentiel en haleine. Rien, comme le prouve notre enquête, n’est laissé au hasard. Dans ce contexte, le récent plongeon d' »Elio » dans la piscine de Mons, alors que les négociations sur le futur de notre pays étaient totalement ensablées, en dit long. Ce qu’on « doit » en retenir ? Que Di Rupo et son parti, malgré la crise, « sont en pleine forme ». En omettant bien sûr de jeter un oeil sur la facture de ladite piscine qui s’élève à 19 millions d’euros ! De « l’infotainment » pur jus, comme Bart De Wever, au Nord, en a le secret.

Car le Sud n’a pas, loin de là, le monopole de la « berlusconisation » rampante de la vie politique. Tout aussi futé, tout aussi intuitif, tout aussi offensif, le président de la N-VA se veut « l’imperator » de la pipolisation en Flandre. Slogans simplistes, proximité, familiarité, formule percutante, humour mâtiné de rouerie… un vrai champion. Di Rupo, De Wever, le choc de deux ego, mais aussi de deux stratèges. Deux vainqueurs qui tiennent entre leurs mains le sort d’un pays en piteux état. Hélas, une fois les spots éteints, nos deux faiseurs de marques ont jusqu’ici pataugé lamentablement. Normal, à ce stade-là, le marketing politique ne pouvait plus rien.

Quel avenir pour nous, pour nos enfants, pour la Belgique ? Une question lancinante dont ils nous détournent par des tours de passe-passe médiatiques d’autant plus désolants qu’ils nous renvoient une bien piètre image de nous-mêmes, celle de citoyens, d’électeurs aveuglés, démotivés, déresponsabilisés, voire indifférents, prêts à gober tout cru n’importe quelle facétie électorale. Ne serait-il pas plus que temps de nous réveiller ?

Christine Laurent

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Contenu partenaire