La Belgique prévoit d'acheter 34 nouveaux chasseurs-bombardiers pour remplacer ses F-16. © BELGA

Une manifestation nationale contre l’achat de nouveaux avions de chasse

Stagiaire Le Vif

Le gouvernement a annoncé l’achat de 34 nouveaux chasseurs-bombardiers, dont le coût s’élève à quelque 15 milliards d’euros. La décision, prise lors de l’accord de gouvernement du 22 décembre fait grincer des dents, surtout pendant une période d’ajustement budgétaire.

Samuel Legros, de la Coordination nationale d’action pour la paix et la démocratie (CNADP), estime que ces achats ne feront, notamment, que renforcer le phénomène terroriste. Interview.

Pourquoi avoir décidé de manifester ce dimanche à Bruxelles ? Contre quoi ?

Nous manifestons contre la volonté du gouvernement d’acheter 34 avions chasseurs-bombardiers, pour remplacer les F-16 qui arriveront en fin de vie entre 2023 et 2028.

Il faut savoir que ces avions de chasse viendront perpétuer les missions des avions F16 que l’armée belge détient actuellement. Ils participeront à des missions à l’étranger et de surveillance pour l’OTAN. Ils devront aussi prendre part aux tâches nucléaires de l’Alliance atlantique en transportant des bombes nucléaires, actuellement stationnées à la base aérienne de Kleine Brogel. Nous nous opposons au fait que, par cet investissement annoncé, le gouvernement entende prolonger cette même logique pendant les 40 prochaines années.

De plus, ces achats interviennent dans un contexte d’austérité budgétaire. Le gouvernement vient de nous annoncer, pour cette année, des coupes à hauteur de 2,1 milliards d’euros. Mais à côté de ça, on entend qu’ils veulent acheter 34 avions, pour 15 milliards…

Vous déclarez que « lutter contre le terrorisme se fait plutôt en investissant dans la cohésion sociale qu’en achetant des avions ». Pourquoi ?

On constate que les interventions militaires et les situations d’occupations à l’étranger ne font que renforcer le phénomène terroriste, plutôt que de l’éradiquer.

Si on regarde, par exemple, la manière dont les Nations-Unies entendent combattre le terrorisme, ils veulent le faire en travaillant sur les conditions qui permettent à l’extrémisme violent d’apparaitre. C’est plus une question de sécurité humaine, que de sécurité « tout court ». C’est-à-dire, viser à ce que tous les individus n’aient plus à s’inquiéter par rapport aux incertitudes de la vie, d’avoir des perspectives d’avenir sur le long terme, et que celle-ci soit suffisamment bonne pour empêcher certaines personnes d’entrer dans un processus de violences.

Est-ce qu’aujourd’hui la Belgique est trop « dépendante » de l’OTAN ? Ne serait-ce pas opportun pour elle d’en sortir ? L’OTAN est-elle devenue obsolète ?

Je ne sais pas s’il existe une relation de « dépendance ». Ce qui est certain, c’est que la Belgique veut continuellement se profiler comme un allié fidèle de l’OTAN et de suivre les différents « diktats » de l’Alliance. Au dernier sommet, l’Organisation a demandé à tous ses Etats membres d’élever leurs dépenses militaires, et ce, à hauteur de 2% de leur PIB. La Belgique ne peut pas le faire, mais elle compte élever ses dépenses à hauteur d’1,3% de son PIB d’ici à 2030. A la fin de cette législature, nous aurons atteint 0,8%. Mais l’OTAN a également demandé d’allouer 1% des dépenses à l’investissement. C’est justement dans ce cadre que la Belgique achète ses 34 nouveaux avions chasseurs-bombardiers, sans compter les avions ravitailleurs et les frégates.

Je ne sais pas si l’OTAN est devenue obsolète. Ce que nous constations, c’est qu’en regard de son propre traité fondateur en 1949, l’OTAN est devenue illégale, parce qu’elle est censé être une alliance de défense du territoire de l’Atlantique Nord, alors que ce qu’elle fait depuis la chute du mur de Berlin, c’est s’exporter toujours plus loin que les frontières de son territoire.

A ce niveau-là, la Belgique entre dans la même illégalité. Et pour nous, c’est un grand facteur d’instabilité. Ce que la CNAPD demande, c’est que la Belgique et l’Union européenne développent un statut de neutralité à l’égard de l’OTAN, dans la perspective d’une dissolution.

Qu’attendez-vous des autorités en marge de votre manifestation de ce dimanche ?

Tous les signes qui se développent pour le moment ne sont pas favorables à un retour en arrière. Le gouvernement n’a pas spécialement envie de nous entendre. Quand je veux dire « nous », je veux aussi inclure l’ensemble de la population belge, car une très large majorité est opposée à l’achat de ces avions de chasse. Et ce, même à l’intérieur des militants de la majorité. Cela veut dire qu’il existe un réel décalage démocratique entre ce que la population attend, et la volonté du gouvernement, particulièrement en termes de politique extérieure et de défense.

La manifestation se tiendra ce dimanche 24 avril et débutera à 14h à la Gare centrale et au Mont des Arts. Le cortège débutera à 15h et prévoit de défiler devant les ambassades des pays constructeurs d’avions en lice pour remplacer les F-16 actuels, ainsi que devant le cabinet du ministre de la Défense, Steven Vandeput (N-VA).

Propos recueillis par Maxime Defays

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