Walter Pauli

« Une ligne de rupture politique se dessine autour de l’islam »

Walter Pauli Walter Pauli est journaliste au Knack.

Une nouvelle lutte s’est emparée de la rue de la Loi : celle du souvenir de la Seconde Guerre mondiale.

Le PS a été le premier parti à se servir de références aux camps de concentration. La présidente du PS bruxellois, Laurette Onkelinx, n’a eu qu’à regarder Theo Francken pour entendre résonner le bruit des bottes. Et la semaine dernière, le ministre-président bruxellois Rudi Vervoort a comparé la déchéance de la nationalité des djihadistes belges en Syrie aux lois nazies contre les juifs.

Les années 30 et 40 comme argument politique

La N-VA a mal pris les tentatives francophones d’établir un rapport entre le Mouvement flamand d’aujourd’hui et la collaboration flamande de l’époque. Même quand le roi Albert II a évoqué les « années trente » dans un discours de Noël il y a quelques années, Bart De Wever l’a pris pour son parti et a accusé le souverain d’abuser de l’histoire.

Par conséquent, il est remarquable que la N-VA utilise les années trente et quarante comme argument politique. Bart De Wever a qualifié l’extrémisme musulman du « pire fléau de l’humanité depuis Hitler ». Là aussi, il tire des conclusions trop rapides. Depuis la Seconde Guerre mondiale, la variante asiatique du communisme a plus de morts sur la conscience que le fondamentalisme musulman : la révolution culturelle de Mao et les killing fields des Khmers rouges sont imprégnés du sang de millions de victimes. Le nationalisme exacerbé s’est également avéré un fléau pire que le fondamentalisme musulman. Les guerres d’indépendance ou de sécession en Indonésie, au Biafra, au Sri Lanka, en Érythrée eu au Soudan ou plus près de nous, celui de la violence irlandaise ou basque, les guerres en ex-Yougoslavie et les combats dans l’est de l’Ukraine d’aujourd’hui : ces drames ont exigé plus de vies humaines que tous les attentats et décapitations de l’État islamique et de Boko Haram réunis.

Inspirés par la Seconde Guerre mondiale

Aussi discutables que soient les références historiques à la Seconde Guerre mondiale, d’autres membres de la N-VA s’en sont inspiré ces derniers temps. La semaine dernière, son porte-parole Joachim Pohlmann expliquait au quotidien De Morgen que la lutte contre le fondamentalisme musulman était intrinsèquement la même que la guerre menée par Winston Churchill contre les nazis : « Pour Churchill, il était impossible de faire la paix avec une idéologie totalitaire. (…) Churchill était prêt à en porter les conséquences. (…) Aujourd’hui, nous sommes à nouveau confrontés à une idéologie totalitaire. Les circonstances sont différentes, mais les principes sont toujours d’application ».

On sous-estime l’homme politique qu’est Bart De Wever si l’on imagine que le président de la N-VA se préoccupe uniquement de l’éducation historique. Il utilise la Seconde Guerre mondiale pour construire l’image de l’ennemi : l’islamisme, l’islam (trop) radical. Les partis et les mouvements anti-islamiques ont le vent en poupe, qu’il s’agisse du Front National de Marine Le Pen, du PVV de Geert Wilders ou de Pegida en Allemagne. En Belgique, l’anti-islamisme est pour l’instant le business principal d’un parti : le Vlaams Belang de Filip Dewinter. Ce dernier n’a pas attendu l’attentat contre Charlie Hebdo pour modifier le cap de son parti : autrefois c’était le VB contre les allochtones, maintenant, c’est contre l’islam. Dewinter se frotte les mains : la peur ou même l’aversion de l’islam progresse indéniablement parmi ses compatriotes.

Nouvelle ligne de rupture politique

Une nouvelle rupture politique se dessine autour de l’islam.

Ce public est plus large que ce qu’on pourrait supposer. Selon le sociologue de la VUB Mark Elchardus, le sp.a pourrait fortement progresser s’il était prêt à combiner un discours radical social de gauche avec une attitude aussi décidée envers l’islam. En jargon sociologique, cela signifie que beaucoup d’électeurs socialistes traditionnels reviendraient vers un parti qui adopterait un point de vue classique de gauche combiné à une prise de position d’une nouvelle droite.

Ce que Dewinter prêche, ce que De Wever suggère et ce qu’Elchardus écrit, indique qu’une nouvelle ligne de rupture se dessine autour de l’islam. Les références à la Seconde Guerre mondiale n’ont rien à voir avec le passé, mais avec le présent. Elles constituent un nouvel élément dans la lutte pour l’électeur flamand.

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