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Une baisse de la violence conjugale, vraiment ?

Muriel Lefevre

On a généralement l’impression que la violence au sein des familles est en constante augmentation. Or les chiffres publiés par le Standaard ce matin indiquent le contraire. Si c’est une bonne nouvelle, la réalité est surtout très complexe. Explication.

En 2012, on a constaté une baisse de 8% du nombre de déclarations de violences physiques entre partenaires. On remarque également un recul semblable pour les faits de violence psychologique et les violences sexuelles (-8%). Mieux : il y aurait une baisse de 20% pour les violences économiques entre conjoints.

Si ces chiffres sont encourageants, ils ne sont pourtant qu’un instantané d’un moment donné, précise l’Institut pour l’égalité des femmes et des hommes. Ce ne sont ici que des chiffres bruts de la police sur le nombre de plaintes et pas une étude poussée sur la réalité des violences qui est, elle, très difficile à chiffrer.

L’étude faite en 2010 par l’Institut pour l’égalité des femmes et des hommes le démontre en mettant en lumière l’importance des « darknumber », soit le pourcentage de ceux qui subissent une violence en silence. Selon cette étude, 64,8% des victimes féminines, contre 39,2% des victimes masculines mettent quelqu’un dans la confidence. Et seuls 3,3% des victimes ont fait une déclaration à la police. Un pourcentage qui est néanmoins lui aussi à nuancer puisqu’il ne représente pas un chiffre réel, mais un indicateur effectué à partir d’un panel.

La porte-parole de l’Institut pour l’égalité des femmes et des hommes interviewée par le Standaard, évoque néanmoins plusieurs hypothèses pour expliquer cette baisse. Elle serait notamment due aux différentes campagnes de ces dernières années qui ont porté leurs fruits, mais surtout à un meilleur encadrement de ces faits de violence.

En effet, la parution en 2006 de deux nouvelles directives – l’une concernant l’enregistrement des plaintes et l’autre la collaboration entre les différents acteurs concernés tels que police, service d’aide et justice – va venir améliorer la prise en charge des plaintes pour violence. Avant, en schématisant, on s’en tenait à prendre les dépositions des uns et des autres. S’en suivait ensuite un suivi policier et judiciaire classique comme dans n’importe quelle affaire, sans se pencher sur la cause du problème.

Depuis l’introduction de deux nouvelles directives, il a 7 ans, ce genre de cas de violence est donc appréhendé différemment. Les couples sont vus de manière plus globale. Bien qu’en distinguant auteur et victime, ils sont aussi vus en tant qu’entité. En effet, il n’est pas toujours évident de distinguer une dispute ponctuelle et un problème violence symptomatique. Un suivi est donc indispensable. La violence entre conjoints a aussi été depuis répartie en quatre catégories (voir encadré). Il existe désormais également un magistrat de référence qui centralise et sert de personne de contact entre la police, les services d’aide et le parquet. De même, on rassemble les affaires se rapportant à une même famille dans un seul dossier pour avoir une meilleure vue d’ensemble.

D’autres initiatives existent encore, mais peuvent différer d’une région à l’autre. En Flandre par exemple, on fait appel, dans certains cas à un thérapeute de couple qui met en lumière les problèmes et essaye de trouver une solution. Si les deux membres du couple participent de manière positive à cet échange, il en sera tenu compte lors du jugement.

La première baisse depuis 7 ans

Cette baisse intervient donc après une augmentation constante du nombre de plaintes depuis 7 ans. Si les statistiques ont augmenté dans les premiers temps de l’introduction de ces deux directives, c’est parce qu’il y a eu d’une part une police mieux informée qui enregistre de manière plus effective les plaintes, et d’autre part une plus grande conscientisation des victimes qui osent davantage porter plainte.

Pour Nicolas Belkacemy, attaché à l’Institut pour l’égalité des femmes et des hommes, la réalité des chiffres devrait plutôt se trouver dans un entre-deux, où, sans parler de hausse ni de baisse des chiffres, on se retrouverait plutôt dans une phase de stabilisation. Si le nombre de plaintes augmente suite à un meilleur suivi policier et une prise de conscience des victimes, ces chiffres vont être contrebalancés par une meilleure prévention qui a elle-même pour conséquence une baisse du nombre de cas de violences.

Le cas particulier de la violence économique

Selon l’Organisation mondiale de la santé, la violence entre partenaires se définit comme « tout acte de violence au sein d’une relation intime qui cause un préjudice ou des souffrances physiques, psychologiques ou sexuelles aux personnes qui en font partie ».

La violence conjugale est en Belgique répartie en quatre catégories : la violence physique, psychique, sexuelle et économique. Si les trois premières sont relativement faciles à déterminer pour la majorité d’entre nous, la troisième peut sembler pour beaucoup plus floue. C’est pourtant une réalité puisqu’une centaine de plaintes sont déposées par an. La violence économique regroupe tout ce qui concerne le contrôle des revenus financiers de son conjoint contre sa volonté et la privation de sa liberté économique. Par exemple: confiscation de cartes de crédit ou de biens financiers ou encore l’interdiction de travailler.

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