Dimitri Verhulst

« Un bon berger ne baise pas ses moutons »

Dimitri Verhulst Écrivain

C’est la fête au presbytère, ça n’arrête pas. On danse une farandole au son d’une petite chansonnette pour fêter l’intouchabilité divine d’innombrables pédophiles. Tant qu’il permet de faire passer les crimes, peu importe que le vin de messe soit d’une piètre année et un peu bouchonné.

C’est certain, l’Église a tout sauf l’apanage du comportement inapproprié avec des mineurs, des petits enfants, des handicapés, des orphelins… après tout, il y a des esprits malades partout, dans toutes les couches de la société. Cependant, cette institution prétend être un compas moral. Et ce compas, il indique l’enfer. Petit à petit, tous les bénitiers du monde ne suffisent plus à contenir les vomissements provoqués par notre colère en voyant la douceur de l’approche réservée à ces criminels religieux. Le Vatican garde tous les dossiers qui pourraient être utiles à l’Opération Calice (NDLR : l’enquête judiciaire sur des faits d’abus sexuels présumés et leur tentative d’étouffement par la hiérarchie catholique) sous les verrous. Les victimes qui risquent de parler sont intimidées et amadouées à coup de transactions. L’argent du tronc sert à refermer les pots au contenu pourri. Et si, de temps à autre, il arrive qu’une affaire se retrouve devant un tribunal, les soutanes virevoltent de joie à l’idée que les délais de prescription soient favorables aux crimes. On pourrait construire plus d’une abbaye sur les tombes des victimes suicidées. Il ne fait pas de doute que la nouvelle de leur suicide a fait sauter les bouchons au sein de la congrégation des Don Boscoiens. Le visage grimaçant, ils remercient et prient Notre-Dame des sept Douleurs à chaque témoignage qui ne peut plus être livré. Et ceux qui arrivent à peine à vivre mettent des années avant d’oser raconter leur histoire. Oser, vouloir, pouvoir la raconter, car pour guérir d’une blessure, il faut d’abord la rouvrir. Une fois que les victimes sont prêtes, quelques avocats posent un regard béat sur leur montre, car le délai de prescription est à nouveau passé.

Une fois que le prêtre a relevé son pantalon, il se passe souvent des choses particulières dans le cerveau d’une victime. Elle nie, par instinct de survie. Elle oublie. Il n’est pas rare qu’il faut des décennies pour que l’infamie refasse surface. Par un hasard par exemple. Parce que le gynécologue détecte quelque chose, un dommage au vagin qui ne peut n’avoir été provoqué que par une pénétration d’une enfant en bas âge. La mémoire, qui dormait, se réveille soudain. Mais les feuilles du calendrier ont couvert l’abus d’enfant pour toujours, le fantôme de la prescription interdit même à la victime d’envisager de raconter son histoire. Reste là avec tes dépressions, ton bas-ventre détruit, ton plaisir volé ! Et ceux qui envisagent tout de même de faire jouer la toge contre la soutane doivent craindre d’être ridiculisés en public.

Pour l’instant, le clergé est au-dessus de la loi. Il a le droit de poser sa patte sur les enfants sans en payer les pots cassés

Ou serait-ce la première fois qu’une victime soit traitée de fabulateur, longtemps avant qu’un juge ait pu s’exprimer ? Les centaines de victimes, visibles et invisibles, se sentent continuellement offensées. Toutes les portes vers la reconnaissance de leur situation, vers la justice, se referment devant leurs yeux. Et le fait que l’église se vide devrait consoler, mais ce n’est pas réconfortant, non. C’est largement insuffisant. Et ce n’est pas la question non plus. Il faut une justice. Pour l’instant, le clergé est au-dessus de la loi. Il a le droit de poser sa patte sur les enfants sans en payer les pots cassés. Trois Je vous salue Marie, cinq minutes de créativité avec le chapelet et en avant. Si la loi accorde de l’importance à la vérité, elle peut y contribuer en révisant ces délais de prescription pour abus sexuel sur mineurs, et de préférence en les abolissant, car cette vérité nécessite du temps et nous devons le lui donner. Si 40 000 signatures peuvent contribuer à mettre cette modification de la loi sur l’agenda politique, alors je tends mon stylo à Monseigneur Van Looy qui utilise le mot « commisération » presque comme un tic de langage, et je lui laisse apposer le premier paraphe.

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