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Tom Lanoye et Bart De Wever : « L’hypocrisie est au coeur de la N-VA »

Gérald Papy
Gérald Papy Rédacteur en chef adjoint

Pour l’écrivain flamand, Bart De Wever n’est pas un fasciste, c’est un populiste. Il trompe l’électeur avec son idée de confédéralisme. Il n’est pas homophobe mais depuis qu’il est bourgmestre d’Anvers, il agit comme un éléphant dans un magasin de porcelaines. Maggie De Block est peut-être l’arme la plus efficace contre la N-VA.

Dans une interview exclusive au Vif/L’Express, l’écrivain flamand Tom Lanoye analyse la stratégie de la N-VA et les premières mesures de l’équipe de Bart De Wever à Anvers. L’occasion pour « l’enfant terrible des lettres flamandes » de tenir quelques propos bien sentis sur celui qui dicte l’agenda du gouvernement flamand et du gouvernement fédéral, comme l’a encore démontré la démission du ministre des Finances Extraits.

Sur les premières mesures de la nouvelle majorité à Anvers

« Filip De Winter (NDLR. : le chef de groupe Vlaams Belang au parlement flamand) est homophobe. Bart De Wever est pour le mariage gay bien plus que beaucoup de conservateurs français. Mais le plus important, c’est qu’être homosexuel n’est pas une obédience, comme il l’a déclaré, et que le règlement a été instauré par un socialiste, l’ancien bourgmestre, le socialiste Patrick Janssens, que j’aimais beaucoup. Je l’ai dénoncé quand j’ai été fait docteur honoris causa de l’université d’Anvers, en 2007. Beaucoup de mes amis francophones font cette erreur : M. De Wever n’est pas un fasciste ; c’est un populiste. Quand on devient bourgmestre, le langage doit aussi changer. C’est son grand problème : il agit comme un éléphant dans un magasin de porcelaines. »

« C’est difficile pour moi de le dire. Mais entre un Vlaams Belang à 17 % et un bourgmestre de gauche à Anvers ou un Vlaams Belang à 10 % et un bourgmestre N-VA, je choisis la deuxième option. Parce que j’ai vécu dans une ville où l’extrême droite atteignait les 33,5 %, un record en Europe. Cela signifie aussi qu’il existe des mesures à la hauteur de l’électorat du Vlaams Belang. C’est très amer. Ce flou artistique politique, Bart De Wever veut le prolonger jusqu’aux élections de 2014. J’espère juste que la N-VA ne devienne pas un jour le Vlaams Belang. Ce n’est pas encore le cas. La situation est grave mais pas si grave. Le politologue Dave Sinardet a raison de dire qu’à part quelques mesures comme la hausse de la taxe sur l’installation des étrangers, la gouvernance est presque la même que sous l’ancienne législature. »

Sur l’idéologie de la N-VA

« Je ne veux pas perdre Bruxelles. Pour moi, l’hypocrisie est au coeur de la N-VA. Si il y a une majorité de la population en faveur de la scission d’un pays, il faut le scinder. Mais les dirigeants de la N-VA savent très bien que les Flamands aiment se plaindre des Wallons mais que la plupart ne sont pas favorables à la division du pays. Or c’est quoi le confédéralisme ? Un camouflage pour la scission. Au moins, les nationalistes écossais et catalans affichent ouvertement leur projet. Mais Madrid n’appartient pas à la Catalogne et Londres pas davantage à l’Ecosse. Je n’ai jamais rencontré un flamingant qui peut me dire ce qu’il veut faire de Bruxelles. Mentalement, je crois qu’ils l’ont déjà perdue. Bart De Wever se dit conservateur. Mais diviser la Belgique, ce n’est pas être conservateur. »

Sur l’irrésistible ascension de la N-VA dans les intentions de vote
« Un être humain est aussi un trésor de contradictions. On peut en même temps voter pour la N-VA et être contre la division de la Belgique, pour signifier aux politiciens du PS qu’il faut changer. En même temps, l’idolâtrie autour de M. De Wever est permise par la faiblesse incroyable des autres responsables politiques, Bruno Tobback, Alexander De Croo (il est trop tôt pour se prononcer sur sa remplaçante Gwendoline Rutten). Peut-être que l’arme la plus efficace contre M. De Wever sera la secrétaire d’Etat à l’Immigration et à l’Intégration sociale, Maggie De Block. »

Sur la réforme de l’Etat et sur la famille royale

« Dans mon univers qui n’est pas très réaliste, on a besoin d’une circonscription électorale fédérale. Qu’en tant que Belge, je ne puisse pas voter pour Elio Di Rupo est incroyable. Voir notre prince Philippe me persuade que l’on doit créer un « Disneyland à la belge » pour y installer la famille royale et organiser un ticket présidentiel à l’américaine avec, par exemple, un Guy Verhofstadt et un vice-président francophone. Aujourd’hui, les Flamands peuvent dire n’importe quoi sur Elio Di Rupo ou inversement, cela ne change rien ; il n’y pas de sanction électorale. »

Tom Lanoye sort en version française Les Boites en carton (éd. La Différence) paru en néerlandais il y a plus de vingt ans, une façon de déballer les trésors de ses racines familiales et littéraires.

K.E. et G.P.

Lire l’intégralité de l’entretien avec Tom Lanoye dans Le Vif/L’Express de cette semaine.

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