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Terrorisme : « les mesures du gouvernement sont inutiles ou inapplicables »

Ligue des droits de l’homme a passé en revue ces mesures sous l’angle critique des droits fondamentaux et des libertés individuelles. Elle dénonce une « surenchère sécuritaire » et la « potentialité d’une mise à mal du principe de séparation des pouvoirs ».

Les 18 mesures annoncées par le gouvernement fédéral en réaction aux attentats de Paris du 13 novembre sont « soit déjà existantes, soit inutiles, soit inapplicables », a dénoncé mercredi la Ligue des droits de l’homme (LDH) lors d’une conférence de presse. L’association a passé en revue ces mesures sous l’angle critique des droits fondamentaux et des libertés individuelles. Elle s’inquiète d’une « surenchère sécuritaire » et de la « potentialité d’une mise à mal du principe de séparation des pouvoirs ». Un rassemblement de protestation est prévu jeudi sur les marches du palais de justice de Bruxelles.

« Après l’émotion, le temps des questions est arrivé »

« Après l’émotion, le temps des questions est arrivé », a déclaré Alexis Deswaef, le président de la LDH. Les mesures annoncées doivent encore être clarifiées par le gouvernement puis discutées au Parlement. Mais, « si on attend trop pour réagir, les députés risquent de se transformer en presse-bouton du gouvernement », craint-il. Une série de mesures n’ont rien de neuf, a détaillé Manuel Lambert, le conseiller juridique de la LDH. Ainsi, renforcer les contrôles policiers aux frontières ou fermer des sites internet prêchant la haine est possible dans le cadre juridique actuel. L’effort budgétaire de 400 millions d’euros pour la sécurité et la lutte contre le terrorisme, lui, représente uniquement « la somme qui aurait dû revenir aux services de police si les politiques d’austérité du gouvernement n’avaient pas touché tous les services publics », selon le juriste. « Il ne s’agit donc pas vraiment d’une augmentation des moyens. »

Mettre en prison les combattants djihadistes dès leur retour sur le sol belge n’a rien de nouveau non plus, si du moins la décision est prise par un juge. Une loi de juillet 2015 pénalise en effet le départ ou le retour du pays dans le cadre d’un projet terroriste. S’il s’agit d’automatiser l’emprisonnement de manière administrative, sans examen individuel, alors c’est totalement illégal au regard de la Convention européenne des droits de l’homme et des standards démocratiques, a rappelé M. Lambert.

De même, placer un bracelet électronique à toute personne fichée par les services d’analyse de la menace est « très inquiétant » si cette surveillance est ordonnée de manière préventive par le pouvoir exécutif. « La surveillance électronique est une mesure limitative de liberté et ne peut dès lors qu’être décidée par un juge indépendant et impartial en raison d’une infraction pénale », argumente la LDH.

Augmenter la durée de la garde à vue de 24 à 72 heures, une autre mesure phare du gouvernement, relève surtout de la communication politique, a poursuivi le conseiller juridique de l’ASBL. Un juge d’instruction peut déjà prolonger une garde à vue jusqu’à 48 heures, or cette possibilité est très peu utilisée.

Déployer davantage de militaires dans les rues ou multiplier les outils de collecte de données sont également des initiatives jugées inutiles car inefficaces malgré leur coût élevé. « Trop d’information tue l’information. La plupart des personnes impliquées dans les attentats de Paris étaient connues des services de sécurité. Il faut des contrôles ciblés plutôt que de considérer a priori toute la population civile comme suspecte », a plaidé Alexis Deswaef.

Le président de la LDH est bien conscient que la plupart de ces revendications sont, dans le contexte anxiogène actuel, inaudibles pour une partie de la population. « On reçoit régulièrement des lettres d’insulte », a-t-il témoigné. Mais il encourage à apprendre du passé: « la mise sous contrôle de l’ensemble des habitants des Etats-Unis (et du monde) à la suite des attentats du 11 septembre n’a pas rendu les Etats-Unis (ni le monde) plus sûrs. Bien au contraire ». Si la lutte contre le terrorisme est une « nécessité », les mesures répressives doivent s’accompagner de « mesures économiques, sociales, éducationnelles et préventives dotées d’un budget adéquat ». Combattre la criminalité financière est aussi un moyen de toucher au financement du terrorisme, a souligné la LDH. Avec notamment la Liga voor mensenrechten, le Syndicat des avocats pour la démocratie, la CSC BHV et la centrale de la FGTB, l’association appelle les citoyens à se rassembler jeudi à 13h00 sur les marches du palais de justice de Bruxelles pour défendre la démocratie. Le 10 décembre est la journée internationale des droits de l’homme.

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