« Si le 7 janvier était le 11 septembre européen, on ne peut pas commettre les mêmes erreurs que les Américains »

Nous devons veiller à ne pas enfermer des gens au nom de la liberté d’expression parce qu’ils pensent différemment. Nous n’avons nul besoin d’un Patriot Act belge ou d’un Guantanamo européen.

Depuis des mois, les leaders européens craignaient les événements qui se sont produits la semaine passée à Paris. Des musulmans radicaux ont amené la guerre de Syrie et d’Irak au coeur du continent. Les djihadistes qui ont mené le raid contre la rédaction de Charlie Hebdo se sont montrés calmes et mortellement efficaces dans le maniement de leurs fusils d’assaut, ce qui s’est révélé dramatique pour les victimes et certainement pour notre monde indécis.

Dimanche passé, plusieurs millions de personnes inquiètes et indignées ont défilé à Paris et dans d’autres villes françaises et européennes. Les morts n’étaient même pas comptés que certains vautours politiques tentaient de tirer profit des attentats. Dans toute l’Europe, le ressentiment contre les immigrés et l’antisémitisme monte depuis des mois : en Allemagne, aux États-Unis et en France, où le Front National fait son beurre de tout incident.

« Speak softly, but carry a big stick »

Il n’est pas simple de repérer quelques centaines de fanatiques et de les arrêter. Il n’est pas facile d’assurer la cohésion dans une société éclatée pour organiser une concertation entre tous les groupes, pays et institutions impliqués. La division de la zone Schengen et la réintroduction de contrôles de frontières n’arrêteront pas les terroristes. Il y a plus de cent ans, le président américain Teddy Roosevelt résumait sa diplomatie internationale ainsi : « Speak softly, but carry a big stick ». Restez calmes, mais soyez préparés. Clairement, nous ne l’étions pas suffisamment. En 2004, les attentats à Madrid ont coûté la vie à près de 200 personnes. Un an plus tard, 56 personnes ont été tuées dans le métro londonien. À cette époque, l’indignation était aussi importante.

Les avis sur les dessins pas toujours aussi délicats de Charlie Hebdo peuvent diverger. Le magazine n’était pas vraiment populaire dans les cercles du pouvoir français. Lorsqu’en 2006 Charlie Hebdo a publié les caricatures danoises controversées, le président de l’époque Jacques Chirac estimait qu’il s’agissait d’une « provocation manifeste ». Charlie Hebdo avait et a le droit de s’en prendre à l’obscurantisme d’une certaine interprétation du Coran, tout comme il le faisait avec l’Église catholique et ses dirigeants. La Cour européenne des Droits de l’Homme lui a d’ailleurs reconnu ce droit.

Pas de Patriot Act belge

Si Charlie Hebdo a le droit de se moquer du prophète, les musulmans ont le droit de protester tant qu’ils n’incitent pas à la haine et qu’évidemment ils ne recourent pas à la violence. Nous devons donc veiller à ne pas arriver à enfermer des gens au nom de la liberté d’expression parce qu’ils pensent différemment. Nous n’avons nul besoin d’un Patriot Act belge ou d’un Guantanamo européen.

Après le meurtre de Theo Van Gogh en 2004, le bourgmestre d’Amsterdam a été fort critiqué pour avoir appelé à « garder la cohésion ». Jusque dans son propre parti social-démocrate, certaines personnes trouvaient son approche trop molle face aux problèmes de la ville . Pourtant, il s’avère à nouveau que tout commence par là. La globalisation et la migration ont progressivement modifié en profondeur les rapports du monde. Si l’on peut le regretter, on ne peut faire marche arrière.

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