François Brabant

Renforcer l’identité wallonne, c’est toujours bon à prendre

François Brabant Journaliste politique au Vif/L'Express

La proposition défendue ce week-end par l’écologiste Patrick Dupriez, créer une circonscription épousant les frontières régionales, n’est pas scandaleuse. Mais la Wallonie a surtout besoin d’âme, plus que d’un nouveau découpage électoral.

Pas de « Wallos » sans polémique. Il y a deux ans, les bourgmestres de Namur et de Charleroi, Jacques Etienne et Jean-Jacques Viseur, en avaient appelé à un sursaut régionaliste. « La Wallonie, c’est le joli nom d’un beau pays. On a le droit de le porter comme un drapeau, de le chérir comme une patrie », avait déclaré le maïeur de la capitale wallonne.

Samedi, c’est un écologiste qui a allumé la mèche. Six mois après avoir remplacé Emily Hoyos à la présidence du parlement, Patrick Dupriez a profité de son discours au Théâtre de Namur pour défendre cette idée : organiser l’élection d’une partie des députés wallons sur la base d’une circonscription couvrant l’ensemble du territoire régional.

Passons en vitesse sur la pseudo-controverse allumée par Benoît Lutgen. Le président du CDH a reproché à Patrick Dupriez de sortir de son rôle, de ne pas rester au-dessus de la mêlée comme l’impose sa fonction, de s’exprimer davantage en porte-parole d’Ecolo qu’en président d’assemblée. La proposition, c’est vrai, figure de longue date au programme des verts. Mais elle a aussi été défendue par des personnalités issues d’autres courants politiques, comme le social-chrétien Philippe Maystadt et le socialiste Jean-Claude Marcourt.

De plus, les occasions pour le président du parlement wallon de bénéficier d’un certain écho médiatique se comptent sur les doigts de main. On ne va pas reprocher à Patrick Dupriez d’en avoir saisi une, surtout quand son propos concerne directement l’avenir institutionnel de la Wallonie.

Mais examinons plutôt le fond. Cette circonscription renforcera-t-elle, comme le soutient l’écologiste cinacien, « la vision wallonne, l’identité régionale et l’autorité de nos institutions » ? Là, il convient de rester mesuré. La création d’une circonscription wallonne ne fera pas d’un coup sortir du néant une « wallonitude » jusqu’ici introuvable. Tout comme la circonscription fédérale voulue par les défenseurs de la Belgique ne stoppera pas à elle seule l’offensive du Mouvement flamand. Après tout, il ne s’agit là que de froide mécanique institutionnelle. Voilà qui devrait modérer l’enthousiasme de ses promoteurs et calmer les craintes de ses contempteurs : la proposition de Patrick Dupriez ne changera, au fond, pas grand-chose à l’état de la Wallonie et à son identité.

Cela dit, on aurait tort de rejeter l’idée. Par les temps qui courent, tout ce qui peut – même à la marge – transformer la Wallonie en autre chose qu’une entité administrative désincarnée est bon à prendre. Comme l’a souvent répété le constitutionnaliste Hugues Dumont, les Belges francophones n’ont aujourd’hui d’autre choix que d’adopter la stratégie « des deux fers au feu ». C’est-à-dire recréer des liens avec la Flandre, tâcher de ranimer le corps fatigué du fédéralisme, tout en préparant l’après-Belgique. Non pas verser dans l’hystérie d’un plan B mis à toutes les sauces, mais anticiper l’éventualité d’un divorce que plus aucun esprit sérieux ne peut exclure.

Oui, donc, à une circonscription susceptible de renforcer (un peu) le sentiment chez les Wallons d’appartenir à un même peuple, ou en tout cas de partager un destin commun. Mais à condition de ne pas agir seulement sur la tuyauterie institutionnelle. Dans un monde qui va trop vite, où l’argent-roi efface les vieux repères, l’identité wallonne ne s’imposera pas sans un minimum de coeur et d’âme. A cet égard, il y avait quelque chose de réjouissant dans la liesse qui a envahi Namur ce week-end, dans ces drapeaux wallons qui flottaient sur la ville, chez ces jeunes filles avec un coq rouge tatoué sur la joue, dans ces bières locales (Saison Dupont, Caracole ou RedBocq) avalées goulûment, dans cette Petite Gayole entendue de ci de là. Ni hystérie nationaliste, ni commémoration agressive, ni repli aigre. Juste la fierté joyeuse et décontractée de faire partie d’un peuple qui a ses défauts, mais aussi ses qualités.

François Brabant

PS : A ceux qui pensent que l’identité wallonne constitue un obstacle au rapprochement avec les Bruxellois francophones, à la bonne entente avec les Flamands ou à l’intégration européenne, on ne peut que rappeler le credo d’Amin Maalouf : les identités peuvent se compiler sans s’exclure, et même s’enrichir les unes les autres.

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