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Radicalisme : comment Saint-Josse empêche les jeunes de partir

Soraya Ghali
Soraya Ghali Journaliste au Vif

La commune bruxelloise a créé un dispositif de prévention auprès des jeunes que le discours radical pourrait convaincre. Il mêle approche sociale, psychologique et religieuse.

Avec une densité de population au kilomètre carré comparable à Calcutta et de nombreux habitants pauvres, jeunes et sans emploi, Saint-Josse-ten-Noode pourrait devenir une « poudrière », rappelle le bourgmestre socialiste Emir Kir. Malgré ce cocktail, les autorités dénombrent ici beaucoup moins de candidats djihadistes que dans d’autres communes : dans cette localité de près de 28 000 personnes, il y a eu quatre départs pour la Syrie. Un adolescent y est mort, les trois autres ne sont pas rentrés.

Pour l’élu, ce résultat découle avant tout de sa politique de cohésion sociale. Un exemple ? A l’inverse de Bruxelles-Ville, Schaerbeek, Molenbeek-Saint-Jean ou encore Anvers, il n’y a pas de « Monsieur radicalisme » à Saint-Josse – le fédéral accorde un subside de 40 000 euros pour ce type de fonction. « Il s’agit de ne pas stigmatiser une communauté. Je préfère dire que nous sommes tous des « Messieurs et Mesdames radicalisme ». Tout le monde est totalement mobilisé », poursuit Emir Kir. Même si, pour l’instant, la plupart des constats convergent vers la communauté maghrébine.

Une cinquantaine d’associations sont actives sur le terrain. Une ressource précieuse pour l’autorité communale qui s’appuie évidemment sur ce réseau culturel, éducatif et social très dense. De son côté, la localité vient de décentraliser ses centres sociaux de prévention, pour être au coeur des quartiers. Saint-Josse a ainsi édifié une véritable architecture de prise en charge des adolescents : des aides aux devoirs par des professeurs jusqu’à 19 heures, des activités sportives le soir, jusqu’à quatre fois par semaine… « Toutes ces choses qui contribuent à rendre la relation stable et pleine de confiance », détaille Eugène Kalala, qui coordonne l’équipe d’éducateurs de rue. Le jeune peut aussi se voir proposer un plan d’accompagnement. Ainsi la bande urbaine Bagdad 1210, du code postal de la commune. Encadrés par un éducateur, ses membres se sont investis dans la musique et font partie d’un collectif hip-hop. « C’est de cette façon qu’on a tari la source de recrutement : ces jeunes qui ont 20, 25 ans n’enrôlent plus leurs petits frères, et ces derniers aspirent à faire comme leurs aînés. On sait que ceux-là ne partiront pas… »

Depuis deux ans, cette stratégie a pris une dimension antidjihad : tout est fait pour occuper le jeune, l’encadrer et compenser le désoeuvrement que guettent les recruteurs salafistes. « Notre force est d’être présents partout, dans chaque quartier, auprès de chaque famille, de chaque jeune. Car, moins les adultes s’impliquent, plus le risque de radicalisme augmente. Mais oui, c’est du marquage à la culotte ! » déclare Emir Kir. Résultat : un maillage serré du territoire communal et une cellule de vigilance pluridisciplinaire organisée autour des différents acteurs (assistants sociaux, éducateurs, animateurs, juristes, médiateurs…), qui sont « en veille » et se réunissent très régulièrement pour orienter les dossiers selon l’intensité du danger. « En croisant les regards, on peut repérer ceux qui risquent de basculer vers la délinquance ou la radicalisation », confie Jamila Bouhjar, à la tête du service d’aide à la réussite scolaire.

Le reportage avec l’équipe anti-radicalisme dans Le Vif/L’Express de cette semaine

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