David Pestieau (vice-président), Peter Mertens (président) et Raoul Hedebouw (porte-parole) : qui décide vraiment ? © NICOLAS MAETERLINCK/BELGAIMAGE

Qui commande vraiment au PTB

Nicolas De Decker
Nicolas De Decker Journaliste au Vif

Très populaire dehors, beaucoup moins pesant dedans, ainsi s’écrit le paradoxe Hedebouw : la principale figure du parti qui monte n’en est pas le principal dirigeant. Loin de là.

Alors, maréchal ou petit soldat ? Il a beau rigoler de tout, Raoul Hedebouw, il y a des choses, rien à faire, qui lui font un peu monter la tension artérielle. Comme quand on lui demande, pour voir, s’il n’est pas par hasard, au PTB, une petite figurine de très grande diffusion, instrumentalisée par les très discrets vrais patrons de son parti.

C’est que la grande diffusion, d’abord, est incontestable : entre un Raoul Hedebouw par-ci, un Raoul Hedebouw par-là, un Hedebouw slimste mens ter wereld et un Raoul troisième politique wallon le plus populaire, juste après l’actuel Premier ministre et un peu plus loin de l’ancien, selon le dernière baromètre La Libre-RTBF, le porte-parole francophone de la formation de gauche radicale est devenu une star, tandis que ses camarades, soit parlementaires PTB comme lui, soit membres du bureau politique du PTB comme lui aussi, ne sont connus de personne.

C’est que la direction du parti, ensuite, ce tout petit groupe – on parle de quatre ou cinq personnes maximum – non installé par les statuts, qui décide au quotidien des inflexions et des pulsions de la formation marxiste, s’illustre bien davantage par son efficacité que par sa notoriété, en tout cas en Belgique francophone. On y trouve le président national, Peter Mertens, bien sûr, l’Anversois que le best-seller – écrit collectivement, signé individuellement – Hoe Durven Ze ? a propulsé au rang de Bekende Vlaming, mais dont on ne peut pas dire qu’il enflamme la rue wallonne, ainsi que le vice-président et directeur du service d’études du parti David Pestieau, ou notamment la secrétaire générale Lydie Neufcourt, très effacée sexagénaire gantoise.

Et puis c’est que dans ce petit groupe, enfin, ne figure pas la star des stars. Raoul Hedebouw, en effet, est certes membre du plus haut organe statutaire du parti, le bureau national, toujours composé aujourd’hui de vieux dirigeants ou de leurs héritiers. Mais pas du petit comité qui décide vraiment. Très révélateur, symboliquement et politiquement : le 3 juin 2014, au lendemain des élections régionales, Elio Di Rupo et Paul Magnette, formateurs du futur gouvernement wallon, reçoivent à l’Elysette une délégation du PTB. Face aux deux patrons socialistes, Peter Mertens, descendu des rives de l’Escaut, flanqué de son Saint-Gillois de vice-président David Pestieau. Pas de Wallon dans la délégation, et donc pas de Raoul non plus, pour discuter de l’éventualité, évidemment lointaine, d’une montée au pouvoir au confluent de la Sambre et de la Meuse.  » Raoul est un des dix membres du bureau. Il est, parmi ceux-ci, celui qui a comme tâche de porter le message du parti et de le communiquer, ce qu’il fait exceptionnellement bien. Mais dans le processus décisionnel, il n’a pas plus de poids qu’un autre « , pose d’ailleurs, implacable, David Pestieau.

Germain Mugemangango, nouveau porte-parole francophone du PTB.
Germain Mugemangango, nouveau porte-parole francophone du PTB.© ALYSON POLDERMAN/REPORTERS

Alors, donc, le troisième homme politique le plus aimé de Wallonie, oui, on sent bien que ça l’énerve un peu, qu’on lui parle de ça, même si, comme toujours, la poussée de tension artérielle s’évacue dans un joyeux éclat de rire. » Il y a deux légendes sur le PTB et moi. La première, c’est que je serais le Lider Maximo, la superstar sans qui rien ne se ferait ; et la seconde, c’est que Mertens et Pestieau décideraient de tout dans leur coin, sans que ni moi ni personne d’autre n’aurions quoi que ce soit à dire. Il faut arrêter avec ces deux légendes ! Ni l’une, ni l’autre n’est vraie !  » lance Raoul Hedebouw, qui rappelle en passant avoir  » avant la porte-parolité, aussi dirigé pendant neuf ans le parti en province de Liège « , et signale  » que ce travail d’organisation me manque beaucoup « , mais qu’il l’a abandonné,  » par sens du devoir « .

Or le devoir, dans une formation d’essence léniniste animée par une petite avant-garde de professionnels, a son importance. Même et surtout lorsque la petite avant-garde rameute toujours plus de sympathisants et de militants, quintuplant en une petite décennie son nombre de membres, qui dépasse aujourd’hui les dix milliers. Ce  » défi de croissance  » – dixit David Pestieau – qui vous titillerait le sens du devoir le plus granitique, oblige à suivre strictement la ligne, fût-elle collectivement et dialectiquement, déterminée. Il n’y a pas de droit de tendance au PTB, ce n’est que logique,  » et j’en suis fier « , dit Raoul Hedebouw. Or, c’est la ligne qui, au milieu de la décennie 2000, a imposé de nouvelles orientations stratégiques, appliquées avec une rigoureuse discipline.  » On a décidé de mettre en avant des figures de proue, Peter Mertens en Flandre et Raoul Hedebouw en Belgique francophone. On a abandonné notre communication désincarnée pour la concentrer vers moins de messages émis par moins de personnes « , rappelle David Pestieau. De fait, le vingtième des trente points de la check-list qui, au terme du fameux congrès de 2008 qui réorienta le PTB, prône d’ailleurs de  » mettre en avant des personnalités reconnaissables et des porte-parole « . Le conseil national du PTB, instance statutaire d’une trentaine de membres, s’est alors choisi Raoul Hedebouw pour l’incarner. Et aujourd’hui, c’est cette même ligne qui envoie Raoul Hedebouw à la conquête de l’électeur flamand.

Lui, déclare-t-il, a contribué à l’imprimer, cette ligne.  » Bien sûr, avec Peter, qui donne l’impulsion, et les autres, dès le départ, je suis acteur de ce changement. Ça ne m’est pas tombé dessus comme ça ! « , précise l’heureux élu. Mais son succès, aujourd’hui, pourrait-il déséquilibrer une organisation si solidement tenue, en imaginant que la légitimité du porte-parole à l’extérieur l’impatroniserait à l’intérieur ?  » Ce danger peut exister, c’est un vrai problème démocratique, et nous en avons conscience « , avoue Raoul Hedebouw lui-même.  » Les médias donnent du pouvoir, et cette évolution est antidémocratique. J’ai une forme d’autorité extérieure, mais je dois à tout prix et constamment la remettre au collectif. Et s’en remettre ainsi au collectif se fait de deux manières : un contrôle sévère, d’une part, et l’humilité idéologique du porte-parole, d’autre part « , ajoute-t-il.

 » Contrôle sévère  » par et dans la direction collective et  » humilité idéologique  » s’appliqueront désormais aussi à Germain Mugemangango. Ce malicieux Carolo, président de la section provinciale hennuyère, a été désigné, ce lundi 27 mars, porte-parole francophone du PTB. Il n’est pas (encore ?) membre du bureau politique, pourtant. Mais il est donc appelé à devenir un nouveau Raoul Hedebouw, lui-même promu porte-parole national, donc voué à s’orienter davantage vers le théâtre d’opération flamand. Ils ne sont ni maréchaux, ni petits soldats : des bombardiers, qui balancent leur Little Boy sur une cible électorale, et qui reviennent se faire féliciter par une tour de contrôle qui pense déjà au prochain carpet bombing.

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