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Présidence belge : l’Europe est en de bonnes mains

Qu’importent les clivages communautaires, la Belgique est tombée dans la marmite européenne depuis toute petite. Francophones et Flamands ont uni leurs efforts pour une présidence qui sera sans esbroufe, et bien concentrée sur son sujet.

Du punch ! Voilà ce que promet le Premier ministre démissionnaire Yves Leterme pour cette douzième présidence belge du Conseil de l’Union européenne. Et de la fiesta ! complète Olivier Alsteens, de la chancellerie du Premier ministre : José van Dam le 2 juillet au château de Laeken pour l’ouverture protocolaire, un « Bal moderne » dans douze villes simultanément le lendemain, suivi d’un concert d’artistes belges et d’un feu d’artifice sur l’esplanade du Parlement européen…

Sur le fond, l’heure est plutôt à la modestie. On n’est plus en 2001, année de la dernière présidence. Guy Verhofstadt et Louis Michel étaient alors sur le devant de la scène, avec un catalogue volontariste et prêts àéteindre les conflits de la planète… C’est que les temps ont changé : le gouvernement, aujourd’hui en affaires courantes, ne disposera pas du même poids politique, la crise frappe aux quatre coins de l’Union, et l’euroscepticisme s’est généralisé, favorisant le repli sur soi partout en Europe. Même l’euro est attaqué…

Surtout, l’UE vient d’opérer une nouvelle mue grâce au traité de Lisbonne. Ainsi, Herman Van Rompuy est devenu le premier président du Conseil européen. C’est lui qui, désormais, représente l’Union dans les grandes réunions internationales, en coopération avec le président de la Commission José Manuel Barroso. Fini le temps où Michel et Verhofstadt avaient sur les bras la lourde tâche européenne de coordonner l’après-11 Septembre ! En élèves appliqués, les Belges se mettront pleinement au service des institutions, et veilleront àéviter les malentendus de la présidence espagnole, notamment entre le Premier ministre Zapatero et Herman Van Rompuy.

« Le traité, et rien que le traité », sera donc l’adage de la présidence belge. Ainsi, le sommet Asie-Europe, les 4 et 5 octobre à Laeken, moment politique et médiatique capital, sera présidé par Van Rompuy, et non par le Premier ministre belge. Pour le reste, la diplomatie belge est désormais alignée sur la haute représentante pour la politique étrangère et de sécurité, en l’occurrence la Britannique Catherine Ashton. Elle guide désormais la politique extérieure de l’Union, de quoi réduire considérablement, là aussi, le rôle d’une présidence tournante.

Le programme n’en reste pas moins dense. En 2009, la Belgique a étroitement collaboré avec l’Espagne (qui la précède) et la Hongrie (qui la suit), pour concevoir en trio les lignes directrices des trois semestres. Pour chaque Conseil thématique, les positions belges ont été approuvées par toutes les Régions et Communautés (qui ne sont pas démissionnaires), à l’issue de nombreuses réunions au sein de deux organes de concertation : le groupe de suivi, dirigé par l’ambassadeur François Roux, chef de cabinet du secrétaire d’Etat aux Affaires européennes Olivier Chastel, et la « Task Force 2010 » mise en place dès 2008 pour la présidence belge.

Les Belges voudront faire bonne figure

Concrètement, celle-ci se déclinera sur quelques grands axes : la sortie de crise, la lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale, la relance des négociations sur le climat, l’approfondissement de l’espace de justice, de sécurité et de liberté, et l’efficacité de la politique étrangère de l’UE. Au-delà, le programme mettra l’accent sur quelques dossiers spécifiques et urgents, notamment la supervision des secteurs financiers, la stimulation des emplois verts, le permis unique, la reconnaissance des décisions judiciaires, le brevet européen, ou encore le service d’action extérieure.

Pour défendre ce programme, Yves Leterme s’en ira le 7 juillet à Strasbourg en session plénière du Parlement européen, dont le rôle s’est par ailleurs accru. Ensuite, les ministres belges, en fonction de leurs compétences, devront se soumettre aux questions-réponses devant les différentes commissions : Didier Reynders pour la commission « Ecofin », Joëlle Milquet pour l’emploi, Laurette Onkelinx pour la santé… Autant de matières, parfois sensibles, où la présidence nationale continuera de jouer pleinement son rôle. La plus médiatisée sera sans doute la ministre flamande de l’Environnement, Joke Schau-vliege, qui représentera l’Union au sommet climatique de Cancun, un an après celui de Copenhague.

A l’égard des Européens qui considèrent la Belgique comme le « malade » de l’Europe, la présidence belge voudra faire bonne figure. « Si nos homologues sont inquiets ? Pas ceux qui nous connaissent en tout cas, certifie Olivier Chastel. Ils sont confiants dans nos capacités d’assumer une présidence et dans la qualité de notre diplomatie. Je ne dois même pas les rassurer ! » A la Commission, on ne dit pas autre chose : « Nous sommes convaincus que la Belgique pourra mener une présidence efficace et ambitieuse, même dans cette situation qui, bien entendu, est un défi, comme pour tout pays qui se trouve en train de former un gouvernement alors que la présidence de l’UE arrive », a déclaré la porte-parole Pia Ahrenkilde Hansen. En cas de pépin, Van Rompuy pourrait venir à la rescousse pour garder l’église Belgique au milieu du village européen.

Le timing est en outre favorable aux Belges, vu la léthargie du mois d’août. La présidence commencera réellement début septembre, au moment où le nouveau gouvernement devrait être mis sur pied, du moins est-ce le voeu de Bart De Wever. Yves Leterme a d’ailleurs informé De Wever des grandes lignes du programme, et des positions qui seront défendues. D’où la question : la N-VA pourrait-elle infléchir le programme concocté sous la précédente équipe ? Douteux : le cadre de la présidence n’est pas seulement belge, mais belgo-hispano-hongrois, et, pour le détail, la N-VA, au pouvoir en Flandre, a été associée à la préparation de la présidence. « Tous les partis démocratiques du pays sont à bord et adhèrent au même programme », confirme Olivier Alsteens. Au passage, la N-VA est considérée comme un parti europhile. Pour preuve, son rêve ultime est l’adhésion de la Flandre à l’Union européenne !

La question serait plutôt celle de la capacité des ministres. Si les ministres fédéraux devaient céder leur place en octobre à des novices, peu au fait des matières européennes souvent très techniques, n’y aurait-il pas le risque de manquer de ce fameux « punch » pour terminer le semestre ? « Non, rétorque Olivier Chastel. N’oubliez pas qu’il y a toute une administration derrière. Il faudra juste une mise à niveau, ce qui n’est pas insurmontable. » En amont, un travail considérable est préparé par des groupes de travail, ensuite par le très stratégique Coreper, ou comité des représentants permanents des Etats membres auprès de l’UE. Les ministres ne décident qu’en dernier ressort. En résumé, la présidence devrait être suffisamment encadrée pour empêcher les fausses notes.

FRANCOIS JANNE D’OTHEE

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