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Philippe Moureaux: « Le MR est prisonnier du FDF »

Philippe Moureaux, bourgmestre de Molenbeek et président de la fédération socialiste bruxelloise, est aussi le spécialiste des questions institutionnelles au PS. Selon lui, l’intransigeance du FDF a contribué à la crise actuelle.

LeVif/L’Express: Avez-vous été surpris par la crise qui est survenue hier, jeudi, à la Chambre?
Philippe Moureaux: J’ai été assez surpris par l’accélération du côté du VLD. Mais j’ai aussi rappelé à plusieurs reprises à mes collègues que si on ne faisait pas chacun un effort, on allait au devant de graves ennuis.

Les responsables des partis présents autour de la table (CD&V, Groen!, PS, MR, CDH, Ecolo) n’ont-ils pas commis l’erreur de négliger l’ultimatum de l’Open VLD?
Je me demande si Dehaene lui-même a bien mesuré ce qui se passait au VLD. Herman De Croo, le père de l’actuel président du parti, est réputé modéré sur le plan communautaire. Peut-être que Dehaene a cru que son fils le serait aussi.

Est-il exact que l’ébauche de compromis ficelé par le négociateur royal Jean-Luc Dehaene était totalement défavorable aux francophones?
Par rapport à toutes les pistes que Dehaene a laissé entrevoir pendant la phase préparatoire des négociations, il est vrai que beaucoup se sont refermées. Il y a plusieurs propositions favorables aux francophones qui ont disparu dans la phase finale. Cela nous a tout de même surpris. Jean-Luc Dehaene est flamand, c’est clair… Mais quand j’entends certains se plaindre que Dehaene soit trop flamand, je m’étonne un peu.

Expliquez-vous.
Quand il était Premier ministre, Herman Van Rompuy avait conçu un groupe composé de Jean-Luc Dehaene, Guy Verhofstadt, Louis Michel, Melchior Wathelet père et moi-même. Ce groupe devait formuler des propositions susceptibles de résoudre le problème BHV. Le MR a tout de suite dit que ce n’était pas possible. La crise interne du parti, dans laquelle Louis Michel allait jouer un rôle n’avait pas encore eu lieu, mais elle était déjà en gestation, probablement. Quant à Joëlle Milquet (CDH), elle ne voulait pas non plus de ce groupe de cinq personnes. Il a donc fallu trouver une autre solution… Autrement dit, c’est le MR et le CDH qui ont adoubé Dehaene. Venir s’en plaindre après, c’est un peu étonnant.

On sent l’ensemble des partis flamands tétanisés par la N-VA. Le parti indépendantiste de Bart De Wever caracole dans les sondages et menace même de devenir le premier parti au nord du pays. On est tout de même un peu prisonniers de nos extrêmes, de chaque côté de la frontière linguistique.

Le CD&V n’a-t-il pas commis une erreur fondamentale, en 2004, en décidant de bâtir un cartel avec la N-VA, qui était jusque là un petit parti (moins de 5% des voix aux élections législatives de 2003)? D’une certaine manière, le CD&V a contribué au succès actuel de Bart De Wever.
Ouh la la… Vous remontez loin, là. On pourrait aussi remonter à la décision des libéraux francophones de faire alliance avec le FDF, en 1992. On pourrait aussi parler d’une erreur fondamentale.

Vous considérez que la présence du FDF au sein du MR constitue l’un des causes de la crise actuelle?Le MR est prisonnier du FDF, c’est clair.

Sans l’intransigeance du FDF, il aurait été possible de respecter l’ultimatum fixé par l’Open VLD, et d’aboutir à un accord sur Bruxelles-Hal-Vilvorde pour ce jeudi?Non. Pas pour ce jeudi. Mais si certains Flamands ont pensé qu’il était totalement impossible d’arriver à un accord, ce qui est le diagnostic du VLD, c’est parce qu’ils ont eu l’impression de ne plus pouvoir discuter avec le MR.

Après ce coup de force de l’Open VLD, y a-t-il encore des partis raisonnables en Flandre?
Peut-être pas. Mais on sera bien obligés de discuter avec eux.

Entretien réalisé par Pierre Havaux et François Brabant

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