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Oxygène, le nouveau parti citoyen

Olivier Mouton
Olivier Mouton Journaliste

Ses fondateurs se posent en alternative aux formations traditionnelles. Ils prônent une « révolution citoyenne pacifique » pour apporter des réponses nouvelles aux maux qui accablent la Belgique francophone.

Oxygène, le nouveau parti  » citoyen « , a pour ambition d’apporter un bol d’air à la politique francophone belge. Au départ d’un constat amer : le système actuel ne fonctionne pas. Bien au-delà des affaires qui ont secoué la Belgique francophone ces derniers mois.  » Ça saute aux yeux, entame Walter Feltrin. La Wallonie a un PIB 30 % inférieur à la Flandre. Entre 2005 et 2015, le taux d’emploi n’a pas bougé et a même diminué. En matière de mobilité, les bouchons sont quotidiens et un train sur quatre est en retard. Il y a un manque criant de crèches. Le Forem ne remplit pas son contrat de gestion depuis 2011. Le fonctionnement de la justice est catastrophique. L’école n’est plus l’ascenseur social qu’elle devrait être.  » La liste des dysfonctionnements est longue.

Conséquence de ce marasme ? La société francophone est de plus en plus fracturée. Un expert psychiatre de l’université de Liège, William Pitchot, posait même, en 2012, un constat implacable et préoccupant :  » La santé mentale de la population est mauvaise.  »  » Notre initiative est en gestation depuis trois ou quatre ans, soulignent les fondateurs d’Oxygène. Plus on avançait dans la réflexion et plus l’évidence nous apparaissait : il n’y a pas d’autre solution que celle à laquelle on aboutit aujourd’hui.  » Créer un parti. S’engager pour tenter d’améliorer les choses. Prendre la tête de ce qu’ils appellent une  » révolution citoyenne, non violente mais ferme « .

Oxygène, le nouveau parti citoyen

 » Ni PTB ni Front national  »

N’est-ce pas une gageure d’inventer une autre force politique ? Voire une mission impossible ?  » Au contraire, c’est très simple, estime Walter Feltrin. Avec un peu de bon sens, on peut arriver à un tout autre résultat que celui auquel on parvient aujourd’hui. L’éthique, par exemple : il suffit de se fixer des règles simples pour faire agir les gens autrement. L’efficacité : prendre des décisions claires, les évaluer et les modifier si besoin, cela me paraît être un mode de fonctionnement simple. L’équité : il faut en revenir à l’idée selon laquelle tout le monde doit payer en fonction de ses capacités contributives. En raison du fameux compromis à la belge, on a construit, au fil du temps, un système d’une iniquité incroyable.  »

Au fur et à mesure de sa réflexion, Walter Feltrin a rédigé, avec le soutien de sa femme, un livre qui propose une série de pistes et pourrait servir de base à un programme. Son nom : Alternative. Ni PTB ni Front national (éd. Nowfuture).  » Ce qui me frappe, dit-il, c’est que pour pratiquement tous les sujets primordiaux, des tas de gens ont fait des études. Tout existe : les constats, les bonnes solutions… Et rien ne se fait. Pourquoi ? Les politiques ne gouvernent pas pour être efficaces, mais pour rester en place. Et parfois, pour y arriver, il ne faut rien faire, ou le moins possible.  » La toile de fond est donc une critique féroce des élites actuelles et des partis traditionnels, vus comme des machines à broyer les idées nouvelles et le bon sens. Pas question, pour autant, de verser dans une approche radicale de gauche ou de droite. Il s’agit plutôt de dépasser les clivages façon Macron, de créer un nouveau centre fédérant le meilleur de la gauche et de la droite.

Les politiques ne gouvernent pas pour être efficaces, mais pour rester en place

Non sans une certaine forme de naïveté saine et utopique.  » Ce que l’on vise, c’est le bien-être du plus grand nombre, résume Walter Feltrin. Il faut bien sûr s’entendre sur le mot « bien-être ». Selon moi, il se forge sur quatre ou cinq choses essentielles. Un, la prospérité matérielle, possible grâce à la recherche du plein emploi, des services publics performants ainsi qu’une sécurité sociale confortable et pérenne, ce qui n’est pas garanti pour l’instant. Deux, il faut viser plus de liens sociaux car une société ne visant que l’aspect matériel ne peut pas être satisfaisante. Troisièmement, il faut une justice qui fonctionne. Le bien-être est impossible sous la menace de ce que Jean de Codt, premier président de la Cour de cassation, a nommé, voici un an, un « Etat voyou » – et on s’en approche dangereusement parce que sans justice efficace, la loi du plus fort s’impose. Quatrièmement, il faut veiller au respect des valeurs communes au groupe. Notre société n’affirme pas ses valeurs, elle les diffuse trop mollement, elle les défend encore plus mollement.  »

« Il n’y a pas de juste milieu »

Le respect de nos valeurs ?  » Ce que l’on entend par là, ce sont les droits de l’homme, précise Barbara Dufour, épouse de Walter Feltrin et confondatrice d’Oxygène. Beaucoup de partis se déclarent aujourd’hui laïques. Nous nous déclarons plutôt pluralistes à condition, j’insiste, que ces droits de l’homme soient respectés.  » Les fondateurs de ce nouveau parti n’ont toutefois pas peur d’appeler les choses par leur nom : il faut s’attaquer de front aux problèmes d’immigration et à la gestion hasardeuse des nouvelles générations musulmanes.  » Je suis étranger, moi, je suis Italien, explique Walter Feltrin. Le pays d’accueil doit recevoir ceux qui arrivent sur son territoire, mais pas en malmenant les valeurs des populations déjà en place. Ce n’est pas possible. Il faut leur donner du travail, insister sur l’égalité homme-femme, sur les droits des homosexuels… que cela plaise ou non. Cela doit être dit clairement. Aujourd’hui, nous avons droit soit à des déclarations bien-pensantes, soit à des insultes selon lesquelles « ce sont tous des profiteurs ». Il n’y a pas de juste milieu, de discours clair ou constructif.  »

Pour conclure, Oxygène, comme son nom l’indique, se préoccupe d’une autre urgence absolue : la transition écologique.  » Toutes les mesures que l’on prend doivent être filtrées par la question de leur impact à moyen et long termes sur l’environnement, ponctue Walter Feltrin. C’est notre responsabilité par rapport aux générations futures.  » Si Oxygène arrivait au pouvoir et était appelé à prendre certaines mesures en contradiction avec sa feuille de route, mais indispensable à court terme, une consultation populaire serait organisée.  » Dans le doute, il faut demander l’avis des gens. Au niveau régional, pour ne pas subir la loi flamande.  »

Lorsqu’on demande au fondateur de ce nouveau parti citoyen si Oxygène n’a pas, à plusieurs égards, des similitudes avec la philosophie initiale d’Ecolo, ce mouvement politique fondé en 1980, Walter Feltrin a cette réponse peu amène :  » Ce sont des gens qui ont été traumatisés après leur première participation au pouvoir, dans l’arc-en-ciel de Guy Verhofstadt, après laquelle ils ont été laminés. Aujourd’hui, je ne me retrouve pas dans Ecolo. Leur principale option reste d’arriver au pouvoir. Tout ce qu’ils décident ou disent est désormais filtré par l’idée de savoir si cela sera acceptable pour de futurs partenaires. Quand on fait ça, on est cuit.  »  » Ce qui est sûr, c’est que nous sommes portés par quelque chose d’aussi intense qu’eux, à l’époque « , complète Barbara Dufour. Reste à savoir si cette conviction trouvera son public en cette ère politiquement déboussolée.

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