Transfert d'un djihadiste français de retour de Syrie par la police française. © Belga

 » On n’arrivera jamais à éradiquer le radicalisme à 100 % « 

L’engagement belge dans la guerre contre l’Etat islamique en Irak expose notre pays à d’éventuelles représailles terroristes. Les services travaillent donc nuit et jour pour la sécurité des citoyens. Patron de l’Organe de coordination pour l’analyse de la menace, André Vandoren leur prête sa voix. Entretien exclusif.

Le Vif/L’Express : En quoi le conflit irako-syrien nous concerne-t-il ?

André Vandoren : Ce conflit nous concerne dans la mesure où beaucoup de jeunes originaires de Belgique ou de l’espace Schengen sont partis en Syrie et en Irak. Il est certain que l’engagement militaire de notre pays requiert l’attention de tous les services d’appui. C’est une donnée nouvelle dont nous devons tenir compte dans l’évaluation de la menace.

Une indication sur l’état réel de la menace : le niveau d’alerte n’a pas été relevé.

Exact. Il y a quatre niveaux de menace. Nous sommes à un niveau 2 depuis des années, ce qui veut dire qu’il y a bien « quelque chose », mais que ce « quelque chose » est d’intensité moyenne. De même, le niveau 3 continue de s’appliquer aux ambassades des Etats-Unis et d’Israël, ainsi qu’aux institutions juives. Si nous recevions de nouvelles informations, nous prendrions la décision de remonter le niveau d’alerte pour un temps déterminé, de façon générale ou ciblée. Mais au stade actuel, nous insistons simplement sur une vigilance accrue dans le cadre du niveau 2.

Les autorités, et en particulier les Affaires étrangères, ont-elles donné des consignes pour empêcher les flux d’argent vers les pays du djihad ?

La législation prévoit que, sur la base d’une évaluation et d’une proposition de l’Ocam, certains flux d’argent puissent être gelés. Je peux vous dire qu’une procédure a été lancée récemment, mais elle ne concerne que la Belgique et ne vise que des individus. Avec le temps, elle pourrait être élargie. C’est une technique que nous mettons en place et qui pourrait être utilisée de plus en plus pour couper les vivres aux djihadistes.

L’intervention militaire en Irak ne va-t-elle pas créer un conflit de loyauté chez certains musulmans belges ?

Je ne le crois pas. L’Etat islamique est en contradiction totale avec les principes élémentaires de l’islam. Il y a, dans le monde musulman, une attitude assez claire de rejet de ces assassinats et de ces massacres. L’EI est une menace pour tous, il n’est pas l’islam, il ne correspond à aucune forme d’islam.

Le repli communautaire alimente le radicalisme. Qu’y faire ?

Dans plusieurs villes du pays, les pouvoirs locaux prennent des initiatives pour anticiper le phénomène. Certes, on n’arrivera jamais à éradiquer le radicalisme à 100 % mais on peut espérer le réduire, en approfondissant sa connaissance et en traitant ses causes. C’est encore beaucoup de travail mais il faudra s’adapter, évoluer : en matière de lutte antiterroriste, la souplesse et la réactivité sont des qualités indispensables.

Envisagez-vous un nouvel attentat en Belgique ?

Nous en avons eu au Musée juif de Belgique, à Bruxelles, le 24 mai dernier. Il existe probablement des réseaux dormants et d’autres ne sont pas exclus dans l’espace Schengen. Je ne crois guère aux loups solitaires, même s’ils agissent seuls. Ces personnes ont été préparées et elles sont activées au moment propice. Je ne connais que deux cas de « lonely wolf » : Anders Behring Breivik (NDLR : auteur du massacre de 77 personnes en Norvège, en juillet 2011) et l’homme qui est venu de France pour poignarder une femme policier dans la station de métro Beekkant à Molenbeek, en juin 2012. Je n’oserais pas dire que Nemmouche ou Merah (NDLR : les auteurs des tueries de Toulouse et du Musée juif de Belgique) sont des « lonely wolfs »…

Le dossier « Guerre contre le djihadisme : quelles menaces pour la Belgique ? », dans Le Vif/LExpress de cette semaine

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