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 » On devrait pouvoir démettre le Roi ! « 

Olivier Mouton
Olivier Mouton Journaliste

Deux constitutionnalistes réputés, Marc Uyttendaele et Hugues Dumont, estiment que les députés devraient avoir le pouvoir de voter pour dénoncer l’incompétence politique du Roi. Un fameux pavé dans la mare.

Il y a trois ou quatre ans, à la demande de l’Institut Emile Vandervelde, service d’études du PS, le constitutionnaliste Marc Uyttendaele (ULB) a réfléchi à des pistes concrètes pour amender le système monarchique en place en Belgique. « Cela n’a pas eu de suite concrète car le sujet est visiblement devenu tabou, y compris au sein de la gauche francophone », raille-t-il. Voilà pourquoi il a donné une deuxième vie à ces suggestions fin 2014, dans un article publié dans la Revue belge de droit constitutionnel.

Concrètement ? Le constitutionnaliste estime que l’on devrait à l’avenir faire voter les chambres réunies (Chambre et Sénat) avant la prestation de serment d’un nouveau roi. « Cela lui conférerait une légitimité démocratique dès son entrée en fonction et son autorité en serait renforcée lors des périodes de crise », explique-t-il.

Son collègue Hugues Dumont, professeur de droit constitutionnel à Saint-Louis, est réticent à cette perspective. « L’idée est apparemment intéressante, mais elle aurait provoqué un drame si on avait organisé un tel débat avant de désigner le nouveau roi Philippe il y a deux ans, souligne-t-il. On aurait assisté à un déballage absolument effrayant, remettant notamment en cause ses compétences… J’aurais mal imaginé Philippe prêter serment sereinement après cela. Parce qu’enfin : il faut relire tout ce que l’on a dit et écrit, c’était violent ! » « Cela revient à dire que l’on a peur de la démocratie, réplique Marc Uyttendaele. On a dit beaucoup de mal d’un leader nationaliste flamand, cela ne l’a pas empêché d’arriver au pouvoir fédéral. »

Le deuxième volet des propositions Uyttendaele vise à conférer le pouvoir aux mêmes chambres réunies de mettre un terme aux fonctions du Roi s’il devient « incompétent sur le plan politique ». « Si, pour une raison ou pour une autre, son comportement n’est plus admissible parce qu’il tient des propos extrémistes ou homophobes par exemple, illustre le constitutionnaliste. Cela me paraît être la moindre des choses. Aujourd’hui, dans une démocratie moderne, plus aucune fonction ne peut être exercée ad vitam aeternam. »

« C’est effectivement la réforme minimale que l’on devrait adopter pour combler le déficit démocratique actuel, acquiesce un Hugues Dumont davantage convaincu. Pour l’instant, la seule possibilité qui existe, c’est l’impossibilité de régner. La Constitution de 1830 avait été rédigée dans la perspective d’un roi devenu fou, diagnostic du médecin à la clé. On ne l’a jamais utilisé en ce sens, mais lors de la Question royale pour couvrir l’impossibilité physique de régner parce que le roi Léopold III était à l’étranger, puis l’impossibilité politique de régner parce qu’on ne voulait plus qu’il revienne, avant l’objection éthique ou morale de Baudouin au moment de l’avortement. »

Les deux professeurs insistent : « Ce serait intéressant de faire une telle réforme à froid, hors d’une période sensible, comme c’est le cas aujourd’hui. Il serait probablement plus dangereux de ne rien faire. C’est une bombe à retardement potentielle. »

Tous deux jurent de leurs grands dieux que cette suggestion n’est en rien liée à la personnalité controversée de l’actuel roi Philippe. « Non, c’est une question de principe. »

Le dossier « Philippe, un roi sous haute surveillance », dans Le Vif/L’Express de cette semaine

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