Thierry Fiorilli

Notre si grande difficulté à gérer l’échec

Thierry Fiorilli Journaliste

William, 13 ans, s’est suicidé mardi soir, dans son jardin, à Nandrin, après avoir appris qu’il avait raté sa première secondaire.

A ce stade, on ne sait pratiquement rien de lui. Seulement qu’il avait réussi son CEB, l’an dernier, après un parcours scolaire plutôt difficile. Des couches de mal-être installées peut-être déjà en lui, de sa « santé » morale, de son entourage, de ses conditions de vie, on ne sait rien. Donc, depuis notre position, avec les éléments en notre possession, on ne peut être en aucun cas catégorique. Mais un enfant qui se donne la mort officiellement à cause d’un échec à l’école, c’est consternant.

Parce qu’être recalé ne vaut pas ça, évidemment. Pas davantage qu’un chagrin amoureux, un conflit avec les parents, une exclusion d’un groupe.

On sait que l’adolescence est une période délicate, durant laquelle les âmes et les pensées sont exacerbées, en mutation, vulnérables. On sait aussi que la réussite scolaire est le défi majeur, l’objectif essentiel auxquels on est confronté, à ces âges-là. On sait donc qu’il y a une pression évidente, familiale et/ou sociale, autour de cet enjeu.

Et on voit, ici de façon tragique, qu’elle peut pousser certains à des réactions extrêmes.

Le geste de William rappelle la difficulté que nous avons, tous, à gérer l’échec. Celui des autres, de nos proches, comme le nôtre. L’échec scolaire, l’échec professionnel, l’échec social, l’échec affectif. En la matière, il est périlleux, prétentieux et déplacé de donner des leçons unes et universelles. Dans le cas précis de l’échec à l’école, qu’on soit ado ou universitaire, on peut en revanche suggérer de ne pas considérer qu’il équivaut à prouver le peu de valeur de celui qui en est victime. L’enseignement doit, par essence, rappelait hier Bart De Wever, « chercher l’excellence des élèves ». Il doit viser 100 % de réussites, en plaçant des critères qualitatifs qui poussent vers le haut. Mais à côté, on doit préparer à l’échec, puisqu’inévitablement, à un moment ou l’autre du cursus, cet échec survient.

Les parents, les enseignants, l’entourage de celui qui échoue, doivent donc parvenir à ce comportement qui consiste à ne pas minimiser l’échec, à le considérer comme insignifiant, anecdotique, mais à ne pas non plus en surdimensionner l’ampleur et la signification. On peut échouer sans être incompétent. On peut perdre des manches, à différentes époques de son parcours, sans rater sa vie pour autant. On peut traverser ses années scolaires comme un calvaire et faire preuve d’excellence une fois ce parcours bouclé, parallèlement à ce parcours aussi d’ailleurs.

Le culte de la performance, l’obligation de résultat et la course à la productivité qui régissent nos existences englobent désormais jusqu’à celles des enfants. De plus en plus tôt. Au point de nous réduire à deux catégories possibles : les bons éléments et les mauvais. Les bons sont glorifiés. Les mauvais sont sanctionnés. Et singularisés. Laissés pour compte.

Et la course à la réussite toujours plus effrénée. Sans plus la moindre faculté de gérer la défaite.

Celle qui, comme les erreurs, comme les échecs, devrait pourtant faire naître les futures victoires. Si on la prend en compte, pour en tirer les enseignements, rectifier le tir, changer de méthodes, accepter d’autres rythmes tout en gardant le même objectif : trouver sa place, la plus ensoleillée possible. En paix avec soi.

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