Groupe du vendredi

Notre pays fait l’autruche sur l’accueil de demandeurs d’asile

Groupe du vendredi Forum composé de jeunes provenant de divers horizons qui prennent du temps pour la réflexion et le débat

Une nouvelle crise des réfugiés comme celle du Parc Maximilien nous guette si le gouvernement poursuit sa politique de dissuasion, écrit le groupe du vendredi, une plateforme politique pour jeunes de tous horizons soutenue par la Fondation Roi Baudoin.

2015 fut une année noire pour la Belgique en matière d’accueil de réfugiés fuyant la guerre en Iraq, en Syrie ou ailleurs. Les images du Parc Maximilien ont fait le tour du monde. Ces portraits de familles fuyant l’horreur dans leur pays pour dormir à même le sol ou dans des abris de fortune à deux pas de nos institutions ont été unanimement jugés indignes d’un pays comme le nôtre.

Pour juguler une des plus graves crises migratoires à laquelle elle faisait face, l’Europe a cherché à conclure des accords forçant un grand écart impossible entre ses valeurs humanistes et des mesures fortes. Celles-ci ont permis de diminuer temporairement les arrivées de migrants. Toutefois, élever des barrières à nos frontières pour rebuter des familles fuyant la guerre et risquant leur vie dans leur exil est une lubie. Le retour à de flux migratoires importants est inéluctable tant qu’il n’y aura pas solution durable à la situation géopolitique au Proche-Orient. La preuve en est que les flux depuis la Libye et l’Egypte sont en hausse selon Frontex – fermez une route, ils en prennent une autre au gré des accords passés.

Sommes-nous prêts à accueillir ces demandeurs d’asile dans les prochains mois ? La réponse est non. Le 3 juin dernier, Theo Francken, Secrétaire d’Etat à l’Asile et la Migration, a annoncé la fermeture de 10.000 places d’accueil pour les demandeurs d’asile. Les arguments paraissaient légitimes : un nombre décroissant de demandeurs d’asile depuis l’accord entre l’Union Européenne et la Turquie, une sous-utilisation des infrastructures d’accueil et des coûts importants pour les gérer. En toile de fond, un effet d’annonce supposé dissuader les familles sur la route d’élire la Belgique comme destination d’exil.

Une analyse du Groupe du Vendredi aboutit sur une conclusion différente quand bien même l’afflux resterait modeste : si le gouvernement ferme ces places d’ici la fin de l’année, notre pays vivra très probablement une nouvelle crise des réfugiés à l’automne et des centaines de familles se retrouveront à la rue ou en logement d’urgence. Pire encore, si le nombre de demandeurs venait à augmenter significativement à l’instar de 2015, la crise serait bien plus grave, car les logements d’urgence ne suffiraient pas.

Les autorités avanceront qu’elles peuvent ré-ouvrir ces places en cas de besoin. C’est contestable. Ces places sont essentiellement des centres d’urgence ou temporaires fermés définitivement ou des logements individuels – des appartements et maisons unifamiliales – gérés par des associations partenaires telles que le Ciré ou Vluchtelingenwerk, qui devront les remettre sur le marché dès lors qu’elles ne seront plus subsidiées. Or, le modèle d’accueil individuel est moins coûteux que les centres collectifs et favorise l’autonomie et l’insertion sociale. En effet, tout en étant encadrés, les demandeurs d’asile y sont responsabilisés et amenés à interagir avec la communauté locale. Dans un contexte politique qui vise à dissuader l’intégration et à favoriser le retour au pays, les logements individuels sont sans doute considérés comme un danger faisant ‘trop bien’ leur travail d’intégration.

Quand bien même les places seraient disponibles, la Belgique peut-elle faire mieux en matière d’accueil ? Indéniablement oui, d’autant qu’un nombre important d’entre eux seront finalement reconnus comme réfugiés. A cet égard, le Groupe du Vendredi a récemment publié un rapport didactique résumant les problèmes et, surtout, solutions concrètes pour améliorer les conditions du demandeur d’asile durant son parcours au bénéfice d’une meilleure intégration dans notre société.

Accueillir décemment les demandeurs d’asile n’est pas un débat politique. C’est une obligation légale, à laquelle notre pays prétend se soumettre comme signataire de la Convention de Genève. Les demandeurs d’asile qui toquent à nos frontières ont vécu des traumatismes profonds. Plus nous leur rendons le séjour d’attente pénible au nom d’une politique de dissuasion douteuse, plus ils en sortiront frustrés et inaptes à s’intégrer. C’est donc aussi un raisonnement élémentaire d’harmonie sociale que nous exhortons notre gouvernement à engager d’urgence.

Maxime Parmentier, Aline Buysschaert, Thomas Dermine, Vanessa Lion

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