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Non-lieu dans la vente de Quick

Thierry Denoël
Thierry Denoël Journaliste au Vif

Le parquet de Charleroi s’apprête à classer l’affaire Quick, et ce malgré des soupçons de fraude dont le montant pourrait s’élever à 100 millions d’euros. Le volet fiscal du dossier n’est pas clos pour autant, car le parquet général de Mons a dénoncé les faits auprès du fisc.

L’Inspection spéciale des impôts (ISI) va donc ouvrir une enquête. Par ailleurs, le dossier devrait également être transmis au procureur du roi de Bruxelles. Les ennuis d’Albert Frère dans cette affaire à rebondissements ne sont pas terminés.

Le procureur général près la cour d’appel de Mons s’apprête à requérir un non-lieu, ce vendredi 21 février, devant la chambre des mises en accusation. Ce qui signifie un enterrement de première classe pour le dossier Quick, à Charleroi. Petit rappel, l’homme d’affaires lorrain Jean-Marie Kuhn dénonce depuis 2006 des irrégularités dans la vente, par le groupe Frère, de Quick Restaurants à une filiale de la Caisse des dépôts et consignations (CDC) qui est le bras financier de l’Etat français. Pour Kuhn, la CDC aurait racheté Quick à un prix surévalué. Ses plaintes ayant toutes été jugées irrecevables en France, Kuhn s’est alors tourné vers la justice belge en déposant plainte au parquet de Charleroi, dans le fief même d’Albert Frère. Le procureur du roi de Charleroi – Christian de Valkeneer, à l’époque – a alors ouvert une instruction judiciaire.

En farfouillant dans les pièces du dossier, les enquêteurs ont découvert un montage financier sophistiqué qui pourrait être destiné à éluder l’impôt. Le montant évalué de cette éventuelle fraude fiscale serait de 100 millions d’euros. La technique suspectée par les enquêteurs est celle dite des sociétés de liquidité : une technique bien connue des limiers fiscaux, car celle-ci s’est répandue dans les années 1990, notamment avec l’aide de banques, et a coûté des dizaines de millions d’euros à l’Etat. Le problème est que le juge d’instruction de Charleroi n’était pas saisi pour ce type de faits (fraude fiscale). Le parquet a toutefois refusé d’étendre la saisine.

Jean-Marie Kuhn a tenté le forcing en demandant une série de devoirs complémentaires. Devant la chambre des mises en accusation, le 24 décembre 2012, le procureur général Catherine Badot avait estimé que ces devoirs étaient « nécessaires à la manifestation de la vérité ». Un an plus tard, on se dirige vers un non-lieu général. La chambre des mises n’a pas suivi le procureur général. Les faits de fraude fiscale ont néanmoins été dénoncés au fisc. C’est l’ISI d’Anvers qui mènera l’enquête. Une fois que le juge d’instruction carolo sera dessaisi de l’affaire, le dossier sera également transmis au procureur du roi de Bruxelles, lequel devra s’arranger avec l’ISI d’Anvers pour voir quelle suite donner à l’affaire.

Au parquet général de Mons, Catherine Badot paraît bien amère : « Oui, c’est une manière de transmettre la patate chaude au parquet de Bruxelles, reconnaît-elle. Il y avait pourtant suspicion d’infraction. J’estimais que c’était suffisant pour continuer l’enquête. Mais la chambre des mises en accusation ne m’a pas suivie… On aura perdu beaucoup de temps. Les faits datent tout de même de 2006. » Pas sûre qu’une enquête fiscale ou pénale puisse encore aboutir dans des délais raisonnables.

Thierry Denoël

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