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Nomination des profs : c’est Kafka

Soraya Ghali
Soraya Ghali Journaliste au Vif

En janvier, la procédure de nomination des enseignants commence en Communauté française. Délicate mission qui s’achèvera dans les tout derniers jours d’août. Récit d’un authentique parcours du combattant.

Parmi les enseignants, il y a ceux qui sont nommés et ceux qui ne le sont pas encore. Les premiers ont leur poste et leur quota d’heures de cours garantis. Les seconds, que l’on appelle temporaires (ils sont 20 000 en Communauté française), doivent d’abord gagner des « points » dans les classements pour devenir temporaires « prioritaires », puis enfin décrocher leur nomination. Avec janvier, le plus grand jeu de chaises musicales commence en Communauté française. Comme chaque année, son administration va décider de l’affectation de ses professeurs pour la prochaine rentrée académique. Délicate mission, qui s’achèvera dans les tout derniers jours d’août. Pierre angulaire de cette organisation : le fameux classement. Un savant système, que gère un logiciel, permet de pondérer les différents éléments ayant trait à l’ancienneté de l’enseignant, l’année de l’obtention de son diplôme, son âge, afin de définir le niveau de priorité de son affectation. Ainsi armé d’un total de ce qui pourrait être l’équivalent des « miles » dans le transport aérien, le candidat peut prétendre à tel ou tel poste.

Mais le système d’affectation reste épouvantablement complexe, voire illisible par les enseignants eux-mêmes. D’abord, les règles du jeu sont différentes selon les trois réseaux. Partout, l’avancement se décide à l’ancienneté, c’est-à-dire le nombre de jours de service prestés pour grimper dans le classement. Mais dans la course à la nomination, ce « barème » varie d’un réseau à un autre. « Tout le monde n’est pas logé à la même enseigne. La procédure est plus simple, plus facile dans les réseaux subventionnés (le libre, les communes, les villes, les provinces) », explique Pascal Chardome, président de la CGSP-Enseignement. Ce système favorise donc les profs de ces deux réseaux. Ces derniers sont nommés plus vite, après quatre, cinq années d’enseignement, alors que ceux de la Communauté française devront patienter parfois dix ans.

Ensuite, l’ancienneté ne prévaut que dans un seul réseau. Pis : dans un seul pouvoir organisateur (PO, soit les employeurs des profs et des directeurs). Celle acquise dans un PO n’est donc pas valable dans un autre. Si on le quitte, on retombe à zéro. Dans l’enseignement libre, un PO, c’est parfois… une seule école. Dans l’enseignement communal, une petite entité ne dispose que d’une, voire de deux écoles. « L’instituteur qui quitte l’école communale liégeoise pour travailler dans une école communale de Charleroi par exemple, doit refaire tout le parcours », affirme Pascal Chardome. Et le prof qui donne cours dans plusieurs PO – c’est le cas des profs de langue ou de morale laïque – risque de ne jamais accumuler suffisamment d’heures pour être nommé.

Par ailleurs, pour les chefs d’établissement, l’adéquation entre les besoins et le profil de l’enseignant relève, quant à elle, parfois de la pure loterie…

Le dossier dans Le Vif/L’Express de cette semaine.

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