Tom Balthazar © Belga

Mieux comprendre l’affaire Publipart qui secoue la Flandre

La Flandre connaît aussi son « publi-scandale », mais de quoi s’agit-il vraiment ? Le point sur l’affaire qui secoue nos voisins du nord du pays ce week-end.

Qu’est-ce Publipart ?

Publipart est un holding semi-public. Son principal actionnaire, Publilec, se trouve à 59% entre les mains de l’intercommunale liégeoise Publifin mais aussi à hauteur de 12% de la ville de Gand. Elle a été créée après la privatisation du producteur d’électricité SPE.

Elle investit dans des fonds d’action et dispose de participations dans d’autres intercommunales. Publipart détient des participations dans Elia, SN Airholding, le fonds d’investissement Kebekk II et d’autres fonds de placement. La holding détient aussi des actions Dexia et Fluxys. Parmi ses quatre actionnaires figure donc Publilec, qui représente près de deux tiers du capital. Belfius Banque, la société wallonne d’investissement Socofe et la holding flamande de l’énergie se partagent le reste.

Comme chez son principal actionnaire Publifin, Publilec offre lui aussi des mandats lucratifs, malgré le décret flamand de 2001 censé limiter les rémunérations au sein des intercommunales.

Le dernier exercice comptable de Publipart révèle que 17 membres du conseil d’administration – dont des échevins flamands et un bourgmestre – ont reçu ensemble 359.973 euros de « frais de participation ».

A noter que la holding semi-publique Publipart a vu sa valeur amputée de 2,030 millions d’euros à la suite de la chute de la banque Optima, rapporte mercredi le site d’information Apache. La holding espère récupérer, via le Fonds de garantie et une déclaration de créance, une « part significative » du montant perdu.

Traumatisme à Gand

Tom Balthazar, promis à être tête de liste du cartel sp.a-Groen lors des prochaines élections communales, a démissionné emporté par le scandale Publipart.

Suite à ça, le bourgmestre de Gand Daniël Termont (sp.a) et l’échevin des Finances Christophe Peeters (Open Vld) ont décidé dimanche matin de ne pas accompagner une mission de responsables économiques gantois à New York et Boston. Le Premier échevin Mathias De Clercq (Open Vld), qui est également président de la société gestionnaire du port local, est, lui, bien parti avec une cinquantaine de dirigeants d’entreprises.

Christophe Peeters (Open Vld) siégeait aussi au nom de la ville flamande au sein du conseil d’administration du holding semi-public Publipart. Dans une réaction commune avec Tom Balthazar, ils ont indiqué qu’ils supposaient que les gestionnaires d’actifs, reconnus par la FSMA, respectaient la législation. « A aucun moment, nous n’avons eu des indications d’investissements dans des activités controversées comme le trafic d’armes », assurent-ils. Ils rappellent que le conseil communal de Gand avait décidé, au début de l’actuelle législature, de démarrer des négociations en vue de sortir du capital de Publilec. « Il s’agit d’un dossier très important pour la ville », précise Christophe Peeters. « En 2015, nous avons déjà pu, après d’âpres négociations avec d’autres actionnaires, réaliser une recette de 9,9 millions d’euros pour la Ville de Gand. La valeur des parts restantes est estimée à 43,4 millions d’euros. Tom et moi continuons à travailler dur afin d’également récupérer ce montant. Il est inscrit à titre de recettes dans notre budget, pour des investissements dans des écoles, des routes ou des parcs », détaille encore Peeters.

Les deux échevins expliquent encore que des « différences essentielles » existent entre les conseils d’administration de Publipart et les controversés comités de secteur de Publifin (dont Publipart est une filiale). Le premier est un organe d’une société indépendante possédant de grands actifs et dont l’existence est imposée par la loi, tandis que les seconds sont des organes consultatifs qui ne sont pas indispensables. Ils font également remarquer que les rémunérations payées par Publipart valent également pour les réunions de Publilec. Il n’y a donc pas de double rétribution.

Tom Balthazar, qui avait pourtant démissionné il y a quelques mois de ses mandats a lui démissionné de son poste d’échevin. Il souligne qu’il a déjà consacré beaucoup de temps à ce dossier. Il s’agissait notamment de négociations avec les autres actionnaires et administrateurs et de réunions avec des juristes et des conseillers financiers. Le travail n’était donc pas limité à des réunions formelles du conseil d’administration, insiste-t-il.

Il démissionne « Pas parce que j’ai commis une grave erreur ou que je devrais reconnaître une faute, mais parce que je ne voulais pas laisser l’avenir d’un Gand progressif être paralysé par des mois de scandale et des discussions exagérées sur les rémunérations », explique-t-il dans un communiqué.

Dans son communiqué, le futur ex-échevin répète que toutes les missions qu’il a effectuées l’étaient au nom et à la demande de la ville flamande. Bien qu’il puisse comprendre les questionnements et l’indignation de nombreux Gantois, Tom Balthazar, tout comme son parti, constate que certains groupes veulent attiser le scandale et l’exploiter pour des raisons purement politiques. « Dans une telle atmosphère de scandales et d’accusations, il n’est pas possible de diriger une équipe. Sans confiance, on ne peut convaincre. Sans une autorité incontestée, on ne peut devenir bourgmestre. »

C’est la raison pour laquelle, en concertation avec le sp.a, il a décidé de présenter sa démission en tant qu’échevin ainsi que de son poste de tête de liste pour le prochain scrutin communal. Il affirme qu’il l’a fait avec beaucoup de regret, car il était « prêt à donner « le meilleur de lui-même » pour sa ville et sentait le soutien de nombreuses personnes. Tom Balthazar a conclu son communiqué en confiant que l’argent n’était pas le motif de ses efforts dans le cadre de ses mandats. « Sinon j’aurais fait des choix différents dans ma carrière. »

Qui pour le remplacer ?

Le président du sp.a, John Crombez, a préconisé dimanche une « totale transparence » sur les mandats des responsables politiques et leurs rémunérations. M. Crombez a également souhaité réduire « le plus possible » le nombre de mandats dans ce genre d’institutions.

Le bourgmestre de Gand Daniël Termont (sp.a) regrette la décision de l’échevin socialiste Tom Balthazar de démissionner de son mandat ainsi que de son poste de tête de liste pour le prochain scrutin communal, prévu en 2018. « Mais j’ai aussi du respect pour son point de vue et son attitude », ajoute-t-il. « Je trouve cela très dommage, car nous perdons l’un des plus robustes échevins », déplore le maïeur gantois. « Nous avons beaucoup discuté aujourd’hui, mais il a pris cette décision lui-même. Je le comprends. » Tom Balthazar n’est pas à blâmer, poursuit Daniël Termont. « Il aurait peut-être dû un peu mieux contrôler ce qui se passait derrière (les investissements et les participations de Publipart, ndlr), mais c’est sans doute la seule chose (à lui reprocher) », conclut-il, assurant qu’il n’a entrepris aucune action illégale.

Elke Decruynaere, numéro deux sur la liste du cartel Groen Spa, a elle expliqué qu’une réunion va avoir lieu afin de répondre à toutes les questions encore en suspens. Ce n’est qu’ensuite qu’une décision sera prise quant à l’avenir de l’alliance entre les deux partis, a ajouté son collègue Filip Watteeuw, échevin de la Mobilité et des Travaux publics. De son côté, l’Open VLD a fait savoir, par la voix de son chef de file gantois Sami Sougir, qu’une démission de l’échevin des Finances Christophe Peeters, qui siège également au conseil d’administration de Publipart, n’était pas à l’ordre du jour.

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