Mark Eyskens © Saskia Vanderstichelen

Mark Eyskens: « La scission guette la N-VA »

Le Vif

D’après le ministre d’État Mark Eyskens, la N-VA se trouve dans une situation particulièrement douloureuse. « La Belgique fonctionne après la sixième réforme de l’état. Et c’est grâce à l’aide des nationalistes. Qu’ils le veuillent ou non, c’est la simple vérité ».

Nos confrères de Knack ont passé une journée à la mer avec Mark Eyskens. Entretien avec un faiseur d’opinions talentueux.

À l’époque, il était impensable qu’en tant que plus grand partenaire de la coalition vous cédiez le poste de premier ministre. La N-VA l’a fait. Comment l’expliquez-vous?

Mark Eyskens: On a parfois suggéré que Bart De Wever pouvait devenir premier ministre, mais à condition de renoncer au premier point du programme de son parti relatif à la république flamande indépendante.

Si de Wever avait voulu être premier ministre, il l’aurait été, même sans renoncer à son premier point ?

Eyskens: Non. On aurait demandé à De Wever de renoncer à ce premier objectif de la N-VA, comme Yasser Arafat qui à l’époque a également lâché la non-reconnaissance d’Israël (ricanements). Nous n’aurions tout de même pas laissé représenter notre pays en Europe et dans le monde par un séparatiste ? Un premier ministre qui accompagne le roi en voyage, mais qui au sens figuré préfèrerait lui couper la tête : ce serait ridicule. La discussion autour du poste de premier ministre n’est qu’une petite partie d’un problème de la N-VA. Pourquoi est-ce qu’aucun média ne condamne la situation particulièrement douloureuse dans laquelle se trouve la N-VA ?

Quelle situation particulièrement douloureuse?

Eyskens: Aujourd’hui, la N-VA est écartelée. Après cette période de gouvernance, elle pourrait se déchirer comme la Volksunie à l’époque. Les excellences fédérales de N-VA aiment leur travail. Ils sont tout à fait absorbés par leur boulot, Jan Jambon en tête. C’est également le cas de Johan Van Overtveldt et de Steven Vandeput. J’entends également que leurs relations avec les ministres francophones sont bonnes. En d’autres termes, les nationalistes et les séparatistes sont en train de se « belgiciser ». Ils sont devenus des PNNB.

Pardon ?

Eyskens: Des post-nationalistes néo-belges. (rires) On a mis le dossier communautaire au frigo pendant cinq ans et il est probable que la conjoncture internationale améliore la situation économique. En 2019, on verra non seulement que le pays est bien dirigé, mais aussi que la Belgique est tout sauf ingouvernable et bonne pour la poubelle de l’histoire, comme l’a toujours prétendu la N-VA. Sa thèse n’est de facto plus d’application. Car qu’elle le veuille ou non la Belgique fonctionne après la sixième réforme de l’état. Et c’est grâce à l’aide des nationalistes. C’est la simple vérité.

N’oubliez pas non plus que la Belgique est de plus en plus dominée par les Flamands. D’accord, nous avons de nouveau un premier ministre francophone, mais avant Elio Di Rupo (PS) il faut remonter à 1973 avec Edmond Leburton. Pour le reste ? Pendant des années, le président du conseil européen était un Flamand ; notre commissaire de l’UE, le gouverneur de la Banque Nationale, les ténors des grandes institutions financières : ce sont tous des Flamands. Tant le monde des affaires que l’univers scientifique et culturel s’anglicisent. Et les Flamands sont bien meilleurs en anglais que les francophones. Dans les rankings internationaux, ce sont surtout les universités flamandes qui obtiennent de bons résultats. Etc. À quoi servirait une septième réforme de l’état ? Que veulent-ils encore obtenir ? J’entends également cette question dans la bouche de personnes qui ont voté pour la N-VA. « Vous êtes arrivé à destination » leur dit leur GPS.

Peter Casteels et Jan Lippens

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