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Les Belges n’ont jamais été aussi riches !

Les statistiques de la Banque nationale sont formelles. Pourtant, c’est à la fois vrai et faux, révèle une étude réalisée par ING. Elle souligne également, au sein des patrimoines, quelques évolutions beaucoup moins connues que le succès du carnet de dépôt. Notamment l’explosion de l’immobilier.

Tandis que son gouverneur Luc Coene a récemment suscité la polémique en se montrant pessimiste sur la situation économique du pays, la Banque nationale de Belgique (BNB) avait lancé un message des plus positifs à la veille de la Fête nationale : à 759,4 milliards d’euros, le patrimoine financier net des Belges a atteint un record à l’issue du premier trimestre de cette année, dépassant d’un petit pour cent le précédent sommet observé au 30 juin 2007, à la veille de la crise financière. Une analyse plus affinée des chiffres révèle toutefois que ce record est plus apparent que réel : exprimé par habitant, ce patrimoine financier est toujours inférieur à son niveau de 2007. Et ceci en euro courant ; c’est donc beaucoup plus criant encore si l’on tient compte de l’inflation.

Par contre, en élargissant le patrimoine à l’immobilier, mais sans tenir compte de l’inflation, le constat redevient positif : avec 169.000 euros à la fin de l’an dernier, la richesse moyenne du Belge se situe très nettement à un sommet historique. Elle a même doublé en 14 ans !

Les Belges, pas le Belge…

Les Belges n’ont donc jamais été aussi riches : les 759,4 milliards d’euros que représentaient leurs valeurs mobilières et épargne financière à fin mars surpassent, pour la première fois, le sommet relevé à la veille de la crise financière, en juin 2007, à savoir 753,3 milliards. Point d’euphorie cependant, car plusieurs correctifs doivent être apportés à ce cri du coeur triomphant. D’abord, ce montant concerne l’ensemble de la population belge, qui a sensiblement augmenté entre ces deux dates.

Les données n’étant pas trimestrielles, une petite extrapolation (1) donne une hausse de l’ordre de 4,3 % entre ces deux dates, à près de 11 millions d’individus à la fin du premier trimestre de cette année. Dont le patrimoine mobilier moyen serait dès lors de quelque 69.130 euros. Contre 70.930 euros à la mi-2007. Il reste donc 2,5 % à rattraper. Par contre, on a repris le dessus sur le précédent sommet, qui datait de la fin 2000. Le patrimoine financier des Belges dépassait alors déjà les 700 milliards d’euros (il chutera à 585 milliards au début 2003), donnant une moyenne de 68.660 euros par personne.

L’étude réalisée par ING rapporte par ailleurs le patrimoine global des Belges au produit intérieur brut (PIB), soit l’ensemble des richesses produites en un an dans le pays. Une telle référence est assez classique sur la scène économique : ne rapporte-t-on pas presque automatiquement la dette publique d’un Etat à son PIB ? Dans un tout autre domaine, pour mesurer le dynamisme d’un pays sur le plan financier, on exprime volontiers sa capitalisation boursière en pour cent du PIB.

Dans le cas présent, le résultat est assez surprenant. Le record en valeur absolue de mars dernier équivaut en effet à un niveau franchement modeste en regard de ce qu’il a été dans le passé. La richesse financière nette des particuliers ne représentait que 202 % du PIB au 31 mars dernier, contre 225 % en juin 2007 et… pas moins de 280 % en 2000. C’était, faut-il le rappeler, avant l’éclatement de la bulle Internet et la crise qui a suivi. Ce niveau était sans doute exceptionnel, juge Julien Manceaux, économiste senior chez ING, et il n’y a guère de raison qu’on y revienne. S’il est normal, dans une économie émergente, que le patrimoine des particuliers représente une proportion croissante du PIB, il n’en va pas de même dans une économie mature. La moyenne historique récente se situant à 225 %, soit le niveau atteint en 2007, un pur hasard, on peut considérer qu’il serait logique de revenir à ce niveau. Ici aussi, et plus encore, il apparaît dès lors que le patrimoine financier des Belges reste « en retard » sur ce qu’il devrait, ou du moins pourrait être, et d’une dizaine de pour cent cette fois.

Il manque encore 100 milliards !

Fût-elle axée sur une période relativement courte, une comparaison historique n’est guère pertinente exprimée en euros courants, c’est-à-dire sans tenir compte de l’inflation. Même si cette dernière est restée assez contenue au cours des dernières années, la hausse de l’indice des prix à la consommation atteint tout de même 13,9 % depuis juin 2007 et 29,5 % depuis fin 2000. En euros d’aujourd’hui, le patrimoine financier des Belges devrait en conséquence atteindre 858 milliards pour retrouver son niveau de juin 2007 et même 913 milliards pour revenir à celui de la fin de l’an 2000, soit des niveaux supérieurs de 13 et 20 % respectivement à celui de mars dernier. En considérant que le poids de ce patrimoine par rapport au PIB était anormal au tournant du millénaire mais au contraire conforme à la moyenne historique à la mi-2007, comme signalé plus haut, on retiendra donc le niveau de 2007 en considérant qu’il manque une petite centaine de milliards à notre épargne financière pour rentrer dans le rang.

On ne peut faire l’impasse sur l’aspect dynamique de cette épargne, à savoir le fait qu’elle est alimentée en permanence. Après tout, n’est-il pas surprenant que l’épargne financière des Belges ait retrouvé son sommet de 2007 en euros courants, en dépit de la chute des Bourses ? Celles-ci ont franchement quitté leur plancher de 2009, mais la chute est encore de moitié exactement pour les actions belges et d’un tiers pour les valeurs européennes. Et ceci affecte le patrimoine au travers des actions directement détenues, mais aussi des sicav, des assurances-vie et des fonds de pension. Les calculs de la Banque nationale confirment ce dommage, en pointant, entre juin 2007 et mars 2012, des moins-values totalisant 61,8 milliards, dont plus de 40 milliards pour les actions cotées et un peu moins de 20 pour les actions non cotées. On note au passage que ce mali atteignait plus du double (123,5 milliards) en mars 2009, quand les Bourses étaient au tréfonds. Or, il va de soi que ces lourdes pertes n’ont absolument pas pu être compensées par des plus-values réalisées ailleurs, même si la BNB en relève pour un peu plus de 5 milliards d’euros au niveau des obligations.

Près de 91 % de l’épargne détruite !

La compensation est donc venue des épargnants eux-mêmes. En moyenne, les Belges accroissent leur patrimoine financier de 5,66 milliards d’euros tous les trois mois, soit 22,6 milliards par an, révèlent les données trimestrielles de la BNB pour la décennie écoulée. Le graphique n°2 témoigne de cette relative constance dans l’effort, en contraste avec la volatilité des plus- et (surtout) moins-values subies par leur patrimoine financier. Constance, mais contrastes, néanmoins, d’un trimestre à l’autre. En 2006, on a ainsi relevé une désépargne de 7 milliards au 2e trimestre, fait exceptionnel. En 2008, les Belges n’ont épargné que 2,8 milliards au 3e trimestre, comme tétanisés par la crise, mais ils ont mis les bouchées doubles au 4e, avec pas moins de 10,6 milliards.

Au total, les Belges ont épargné près de 120 milliards d’euros entre la mi-2007 et mars dernier, observe la BNB, qui ajoute le numéraire (billets de banque) aux placements financiers. Ils ont joué la sûreté, avec 60 milliards placés en comptes et autres dépôts (ou détenus en espèces), et 58 milliards versés en assurances-vie et fonds de pension. Et comme ils se sont délestés de sicav pour plus de 28 milliards, ils ont encore pu acheter pour 12,5 milliards d’obligations, ainsi que pour 17,2 milliards d’actions, cotées et non cotées. Si l’épargnant a donc délaissé la Bourse par la voie indirecte, c’est-à-dire via les sicav, il s’y est renforcé en direct, contrairement à ce que l’on imagine communément. Soustraction faite de l’endettement contracté durant la même période, il reste une épargne nette de 67 milliards. Détruite pour l’essentiel par les moins-values évoquées plus haut, au point qu’il n’en reste que 6 milliards, soit l’accroissement de l’épargne financière nette des Belges observée entre la mi-2007 et fin mars 2012. Le compte est bon…

Merci la brique

… mais le constat est amer ! Tout ça pour ça, hélas ! On discerne toutefois un important élément de réconfort : pendant que le patrimoine financier des Belges prenait l’eau, leur patrimoine immobilier s’envolait (graphique 3). C’est que les Belges ont beaucoup investi dans l’immobilier au cours de la décennie écoulée. Une bonne part des capitaux rentrés au bercail dans les années 2000, notamment dans le cadre de la DLU, a pris le chemin de la brique, soutenant les prix. Les hausses de prix les plus spectaculaires interviennent au début des années 2000. Entre la mi-2007 et le début de cette année, la progression est de l’ordre de 15 % pour les maisons d’habitation.

L’accroissement de la population et du nombre des ménages a par ailleurs entraîné un élargissement du parc. Résultat de l’action combinée de ces deux facteurs : la valeur estimée du parc résidentiel belge est, en chiffres ronds, passée de 900 à 1.100 milliards d’euros entre 2007 et 2011. Ceci donne, toujours en chiffres ronds, respectivement 85.000 et 100.000 euros par personne. Si l’on additionne les patrimoines financier et immobilier, on observe que le Belge a vu sa richesse passer de 154.000 à 169.000 euros sur la période considérée. Il y a cette fois bel et bien progression, et assez nette. Si l’on tient compte de l’inflation cependant, on devrait se situer à près de 178.000 euros pour signer un nouveau sommet. Les Belges sont globalement plus riches que jamais et le Belge pris individuellement n’en est plus très loin…

Guy Legrand

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